Je pensais que ma famille avait fait le tour des accidents ridicules.
Ma maman avait eu par exemple un spectaculaire accident fromager, réussissant à s’estropier le petit orteil dont le sang gicla sur les carreaux de céramique de la cuisine, en lâchant dessus un bloc de parmesan, du vrai, le pur croisement du granite des Alpes avec quelques protéines caillées.
Je crois que c’était après le coup où elle avait subi l’attaque d’un spaghetti qui manqua lui crever un œil (elle s’en est tirée avec une éraflure de la cornée, et je vous prie de croire que c’était douloureux).
Une de mes tantes, assez coutumière des petits soucis domestiques, nous a le plus impressionnés quand, pour un pique-nique à la plage, elle a tenté de couper du saucisson sur sa cuisse. Evidemment, elle a imprégné ce pauvre saucisson de sang frais.
Une autre de mes tantes, amatrice de farniente, s’est rendue compte que c’était pas si simple que ça de faire la sieste au soleil quand son transat lui a pris le bout du doigt (et ça repousse pas facilement, les bouts de doigts)(et c’est sensible, aussi).
Ma génération n’est pas en reste, hein. La tête de mon petit frère a subi l’attaque matinale d’un pied de lampadaire en fonte. Bon, c’est un peu ma faute, je dormais à côté et en m’étirant, j’ai attrapé le lampadaire et tiré dessus en me demandant ce que c’était, et paf l’arcade.
Mon petit frère, en fait, c’est un malheureux, parce qu’il a jamais été responsable. Il l’était pas là, il l’était pas non plus quand il s’est pris un coup de maillet de croquet dans le front, asséné avec vigueur par mon petit cousin avec qui il jouait au hoquet (et boum).
Je crains qu’il n’en garde des séquelles.
Moi-même, les accidents ridicules ne me sont pas étrangers.
Entre la fracture du cinquième métacarpien droit obtenue sans gloire en montant les escaliers du collège (pif sur la rambarde en métal, je me suis rendu compte deux jours plus tard que c’était cassé), l’écharde enfoncée de trois centimètres dans le mollet (je tapais dans le vide avec une raquette de tennis, sauf qu’apparemment, y’avait des bouts de bois dans le vide, puis dans mon mollet), j’avais déjà eu l’air con, et je ne parle même pas de la boule de pétanque envoyée par ma sœur dans ma direction, que je me suis penchée pour l’éviter, et évidemment paf sur le sommet du crâne plutôt qu’à mes pieds. (Non, ça n’explique rien).
Mais là, c’est mon papa qui vient de faire péter les high-scores.
Un accident jamais vu. Jamais j’en avais entendu parler.
Une première dans la vraie vie.
Il a glissé sur une peau de banane dans la rue.
La classe.