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FIGB recrute




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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 09:42

Les chanteuses de musique populaires sont souvent des méchantes filles. Elles se maquillent comme des catins de Babylone, elles se font des tatouages de papillons comme de vulgaires bikers velus, elles portent des bottes comme des cowboys qui chiquent, elles disent des gros mots dans leurs chansons, et traitent les garçons comme des objets qui ne sont plus bienvenus anymore, qui servent rien qu'à kiffer la vaïbe, qui pleuvent alleluia, j'en passe et des meilleures.

Et nous les garçons, on aime ça, parce qu'on en a soupé de la princesse charmante qu'on attend en soupirant à nos balcons, on veut des bad girls qui viennent nous chercher à dos de dragon qui crache des flammes, ou, à défaut, à dos de moto avec un dragon qui crache des flammes peint dessus, avec de l'orange fluo, et qui fait ratatatatat avec le pot d'échappement qui crache des flammes et ça réveille nos parents quand on démarre avec leurs cheveux dans le nez qui sentent le shampooing avec adoucissant 3 en 1 et qu'on dit zut à la société en crachant sur le goudron chaud de l'après-midi, ouais.

Du coup, moi, une que j'aime bien dans les chanteuses, c'est la plus méchante d'entre elles, c'est April Smith. Déjà, parce qu'elle a le même prénom que la copine des tortues ninja sauf qu'elle s'habille pas dans un sac jaune, et ça, c'est trop la classe, parce que quand même quoi, la copine des tortues ninja !

Ensuite, j'aime bien aussi parce qu'elle est tellement méchante qu'elle fait des chansons avec des gens morts dedans, et que les gens morts dedans, c'est la classe aussi, comme les zombies, sauf qu'eux ils sont vivants en même temps et ceux-là, non, ils servent juste de vases et de mannequins pour essayer des habits et puis aussi ho non je peux pas le dire c'est trop beurk. Enfin voilà voilà, quoi.

Puis j'aime bien comme elle chante, aussi.

 

 


 

 

Et la plus méchante de ses chansons :

 

 


 
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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 10:42

Je suis rentré du Sénégal il y a un peu plus d'un mois. Ça passe très vite. Et si on me forçait (je ne sais pas pourquoi on le ferait, mais on a parfois des idées bizarres, c'est connu) à tirer une remarque de tout ce que j'ai pu remarquer sur la France depuis que je suis rentré, c'est que bon sang, les gens, vous êtes quand même d'une tristesse assez effarante.
Vestimentairement parlant, j'entends. Les gens peuvent être tristes au Sénégal aussi, hein, il y a sans doute même plus de raisons de l'être là-bas, mais extérieurement, au moins, ils savent s'habiller un peu joyeux, alors que vous...

Je viens de faire un voyage en train, là. J'ai passé un moment sur le quai, à attendre avec la patience et la bonne humeur qui me caractérisent la venue de mon TGV, en regardant les gens. Hé bien, sur le bon gros paquet de gens que j'ai croisés à 21h à Lyon Part-Dieu, 90% portaient un manteau noir, marron, ou gris, 5% arboraient un blanc crème crasseux, et le reste était vêtu en tons variés de verts fadasses et de bleus passés. Il y avait peut-être une fille avec un manteau rouge, qui faisait un peu cochonne, mais à part ça, que du triste, du sombre, du morbide. Tu m'étonnes qu'on soit le plus gros consommateurs d'antidépresseurs, tu sors dehors, t'as l'impression d'être dans un cortège funèbre permanent.

Bon, quelque part, ça m'a un peu rassuré, ce spectacle lyonnais, parce que je craignais un peu que ce ne soit particulier à chez moi, vu que j'avais fait la même constatation quelques jours plus tôt en allant à la mairie refaire ma carte d'identité (parce qu'elle était toute périmée depuis un an, et ça me faisait un peu paniquer). Au bout de dix minutes à ne croiser que des gens en noir ou gris, j'ai failli embrasser un ouvrier qui retournait à son chantier et qui portait un gilet jaune fluo. Je ne l'ai pas fait, parce que le tartiner de la morve liquide qui collait les poils de ma moustache ne me paraissait pas une récompense très adéquate au remontage de moral qu'il m'avait offert à cet instant.

Je ne comprends pas ce qui peut bien pousser tout un peuple à une telle morosité vestimentaire collective. Parce que ça va chercher très loin, quand même, cette histoire : en septembre dernier, je me suis fait engueuler parce que j'avais commis l'impudence de mettre une belle chemise, cousue sur mesure et tout, mais qui avait le tort d'être verte, tenez, la voici :



(la cravate orange qui s'accorde si bien a été gracieusement fournie par un camarade que je remercie au passage. Et je ne suis pas gros, je suis juste un peu enveloppé. Et je préfère me flouter parce que là-dessus, on dirait que je suis chauve, alors que je ne souffre que d'une légère décadence capillaire frontale côté droit)



Et pour quelle occasion je me fais enguirlander comme ça, pour avoir refusé de souscrire au diktat de la tenue de deuil apparemment réglementaire ? Je vous le donne en mille : à un mariage. Je me suis fait engueuler par la mariée alors que j'avais fait mon possible pour égayer un peu son mariage tristoune (si tu lis ça, Laetitia : et pan ! Faut pas critiquer ma belle chemise au tissu choisi par mon ami Gauthier)

Le plus triste dans l'histoire, c'est quand même que c'est contagieux, tout ça : il y a quelques jours encore, je me parais d'un beau pull informe entre le rose et le violet (couleur de foie sain, si vous préférez), mais depuis, je me suis aperçu que je porte un manteau marron, un pull marron par dessus un t-shirt gris, des chaussures marrons, des chaussettes noires et grises, et un caleçon noir.

Allez, je me prends un Prozac.

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 22:42

Chers amis,

c'est la fesse droite douloureusement lancinée par une sciatique issue d'une tentative d'excaliburage d'un sapin de Noël de son support que je reviens vous écrire aujourd'hui.

Mais si ma fesse me fait souffrir, ce n'est rien par rapport aux affres dans lesquels est plongé mon pauvre petit cœur, arraché depuis maintenant trois semaines à son confort africain.

 

Parce que oui. Je suis rentré. Pour de bon. Pour le moment, en tous cas.

 

La parenthèse sénégalaise s'est refermée, et déjà le sentiment est là que tout ça est arrivé à quelqu'un d'autre. Le salaire, le grand appartement, les pélicans, les vautours, le tieboudienne, tout ça n'est plus. C'est désagréable. Râlant, même. Foutrecul de pine à foutre, ça fait chier la bite, dirais-je si j'étais enclin à la vulgarité (mais je ne voudrais pas choquer ma manman).

 

Je n'ai plus comme souvenirs que quelques bouts de tissus, un vieux accroupi avec une pipe, un tableau de kung-fu, une tendance à ajouter Inch'allah à toutes mes phrases et des intestins déglingués. Je porte trois couches de vêtements, je retourne trois fois à la mairie pour rapporter les pièces manquantes à mon dossier de carte d'identité (à pied, avec une sciatique dans les fesses, dans le froid et tout).

 

Bon, un avantage d'être ici, c'est que je peux acheter des bouquins et des bédés. Faut bien qu'il y ait des avantages, hein ? Hein ?

 

Bon sang de bordel de putasse de foutre à cul, merde alors. J'étais pas si mal, là-bas. Plaignez-moi.

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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 15:42

Non mais franchement, il y a des gens, je vous jure. Aujourd'hui même, je me suis fait traiter, par la même greluche et sur le même statut facebook, de pauvre mytho et de feignasse, rien de moins.

Tout ça pour avoir usé du droit imprescriptible et inaliénable de tout citoyen de romancer sa vie pour la rendre intéressante au commun des mortels, qui a déjà son mur facebook saturé de nouvelles passionnantes, du genre « le chat de ma tante est resté trois semaines sur un arbre et il est pas mort, lol » ou « mon voisin fait du bruit, grrrr ».

Ainsi, j'avais informé mon public (qui me suit avec autant d'assiduité et d'amour sur facebook que vous ici) qu'un type voulait acheter les fringues que je portais sur une vidéo yourube, ce qui avait provoqué des réactions qui, si elles ne débordaient pas d'enthousiasme, n'en étaient pas moins intéressées (et inquiètes pour moi). C'était plus intéressant que si j'avais dit toute la vérité, qui était que un type voulait acheter les fringues que je portais sur une vidéo youtube, à savoir ma belle cotte Guy Cotten, jaune et luisante (que j'ai mystérieusement paumée depuis), non ?

 

Mais malgré ça, malgré mon inextinguible soif de vous apporter chaque jour sur facebook un peu de déridement de bon aloi, je me fais rembarrer par cette gonzesse. Qui me sort, en plus « t'aurais dû en faire une note de blog plutôt, XD »

 

Chiche.

 

Vous voulez de la note non romancée de ma vie quotidienne ? En voilà :

 

Aujourd'hui, j'ai acheté une malle. Parce que celle avec laquelle je suis venu, les douaniers l'ont pétée pour voir ce qu'il y avait dedans quand je suis arrivé, du coup pour repartir j'en ai besoin d'un nouvelle, alors je suis parti en acheter avec mon zami Gauthier. Mais d'abord on est allés à la gendarmerie, parce qu'il devait aller chercher une attestation de quelque chose, parce qu'il s'est fait cambrioler y'a pas longtemps, et une dame est venue quand on était garés devant la gendarmerie et elle avait des nougats sur la tête, et elle connaissait Gauthier depuis qu'il était petit, et elle m'a dit « il est très gentil, Gauthier, je le connais depuis qu'il est tout petit, il est trèèès gentil » alors je lui ai acheté pour 2000 francs de nougat, parce que j'étais bien d'accord, c'est pas tous les jours qu'on a des amis qui vous emmènent acheter des malles. Ensuite, c'est un gendarme qui est venu, et Gauthier m'a dit qu'il le connaissait depuis longtemps aussi, et qu'il était gentil, et le gendarme a dit « mais moins gentil que Gauthier », et j'ai dit que j'étais pas sûr qu'il était plus gentil, mais qu'en tous cas gentil c'était sûr, mais je ne lui ai pas acheté de nougat parce qu'il n'en avait pas sur la tête, il avait une casquette.

 

Après on est allés chez les parents de Gauthier parce qu'ils gardent ses moutons, qui n'ont pas grossi depuis la Tabaski, c'est pas bien, et j'ai discuté avec son papa, qui est très gentil aussi, on a parlé de réunions familiales et tout, c'était chouette, et après on est allés dans une rue où ils vendaient des malles. On avait mis au point un scénario et tout, enfin Gauthier l'avait fait, parce qu'il connait le truc, hein, on la lui fait pas, quand tu débarques avec un toubab dans une boutique, ils te parlent en wolof pour te proposer de l'arnaquer à deux, et si tu veux pas ils t'engueulent, alors on allait faire comme si j'accompagnais Gauthier pour autre chose, et lui il allait regarder les malles pour son ami Modou, et il me demanderait ce que je penserais qu'en penserait son ami Modou, et moi quand il m'a expliqué, j'ai dit mais je sais pas ce qu'il voudrait je connais pas ton ami Modou, c'était rigolo parce que je faisais le mec qui comprenait pas alors qu'en fait j'avais compris, parce qu'il avait déjà fait le même truc avec mon tonton, sauf que c'était pour du tissu pour ma tata, alors il disait pas qu'il venait pour son copain Modou, mais pour sa sœur, parce que son copain Modou doit s'en ficher un peu des tissus pour gonzesses, j'imagine.

 

Du coup on est allés dans cette rue et on s'est garés, et on est allés dans une boutique on a fait Salamalikoum au patron libanais, il nous a fait Malikoumsalam, et Gauthier m'a dit d'aller voir ce qui m'intéressait dans la boutique pendant qu'il regardait les malles, du coup j'ai fait semblant de m'intéresser à des frigos américains, y'en avait c'étaient des frigos de ouf comme dans les films américains et tout, mais je faisais le mec qui a pas besoin d'aussi beaux frigos et qui regarde les écrans plats de 212cm alors qu'il a pas plus les moyens de les acheter que les frigos qui font des glaçons au kilomètre.

Puis Gauthier m'a rappelé en me demandant si j'avais trouvé ce que je cherchais, et pour pas griller ma couverture j'ai fait non en haussant un peu les épaules, et puis on est sortis et les malles qu'il y avait étaient trop petites, alors on est allés dans une autre boutique et c'était pareil sauf que les frigos étaient moins gros, du coup on est allés dans une troisième et là y'avait pas de frigos mais des meubles en bois-plastique et j'ai traîné un peu en les regardant en faisant la moue un peu, et puis au bout d'un moment, je me suis rapproché de Gauthier et des malles et du type qui expliquait les malles à Gauthier et là il y en avait une pas trop mal, et là j'ai été un peu perdu parce que Gauthier avait dû oublier Modou et il m'a demandé si je pensais que ça irait à Luis la malle qu'il regardait qui était la plus grande qu'il y avait, alors moi j'ai pris mon meilleur air du gars qui s'en fout et qui veut juste se tirer, et j'ai fait « Pfouuu, mouais, sans doute. Elle est pas mal. » et puis il a négocié un peu pendant que je regardais des tricycles derrière et finalement le vendeur a dit qu'il pouvait pas aller en dessous de 40.000 et moi j'avais donné 30.000 à Gauthier alors il m'a demandé si j'avais des sous à lui prêter et j'ai fait ouais, pourquoi pas, et je lui ai prêté 10.000 de plus et là Gauthier il m'a impressionné et tout, il a demandé une facture au cas où Luis trouverait une malle plus grande et que je sais plus trop quoi, ça a trop bien brouillé les pistes, et il a expliqué que je venais d'arriver et que sans doute je devrais revenir pour me meubler et tout et tout, et il a dit qu'il faudrait pas que j'oublie que je lui avais prêté 10.000, et là j'ai fait « pas de risque que j'oublie, haha » alors qu'en fait Gauthier, normalement je lui dis « t'inquiètes, je te fais confiance, y'a pas de problème » et puis on a pris la malle avec le vendeur de malle qui était marocain en fait, et on l'a ramenée à la maison.

 

Et là, j'ai essayé de mettre dedans le tabouret en bois que j'ai acheté au mec qui vend des trucs en bois au porte à porte, et les tas de calebasses que mes parents ont acheté avec mes sous quand ils sont venus sauf une parce qu'il y avait des bananes dedans et que je savais pas où les mettre sinon, et du coup je me suis dit qu'avec les deux valises que j'ai et ce que je pourrai convaincre mon tonton et ma tata de prendre ça devrait à peu près le faire sauf peut-être pour les bibelots.

 

malle 

 

Là, c'est ma malle avec dedans le tabouret en bois et les calebasses que mes parents ont achetées avec mes sous. À côté, c'est la malle que les douaniers ont pété comme des salauds, et dessus y'a le ciré qui va avec la cotte Guy Cotten qui a tout provoqué.

 

Voilà. J'aurais pu parler de comment après on est allés acheter des bières pour quand mon tonton et ma tata viendront, et puis comment on est repassés chez les parents de Gauthier chercher la housse de sa voiture et puis comment après on est allés chez Joe, qui est le premier restaurant sénégalais à avoir fait des chawarmas ou peut-être le deuxième et comment j'ai pris un hamburger double mais c'était un peu trop et comment j'ai regardé dans le miroir et je me suis dit « tiens, je devrais me faire couper les cheveux », mais je crois que j'ai prouvé mon point : la vie non romancée, c'est quand même un peu chiant.

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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 15:42

 

Vous pensez que je vous délaisse ?

Ne dites pas le contraire, vous vous dites « pfiou, en ce moment, Francis, il nous délaisse. » Ce n'est pas complètement faux. J'en ai un peu honte, comme à chaque fois que je me dis que je vous délaisse, et que vous mériteriez un tenancier de blog plus méticuleux et probe. (Je dis ça parce que j'aimerais bien être probe, ça fait classe sur un CV.)

 

Mais rassurez-vous, vous n'êtes pas les seuls que je néglige comme mes vieux caleçons troués. Ca fait des lustres que je n'ai pas écrit à mes ex-camarades de classe, comme je m'étais promis de le faire avec la passion des siècles. Et à eux non plus, je n'ai plus envie d'écrire. Mais ce n'est pas pour la même raison. Je n'écris plus pour le blog parce que ma verve est molle, et que je n'ai pas envie de vous décevoir avec de la sous-note pourrite (désolé si c'est le cas ici). Et eux, mes amis, la couazi-chair de ma chair tellement qu'on a vécu ensemble de cours de science du sol et d'hormonologie de la truie, ben, ils n'écrivent plus non plus. Je crois qu'on n'a plus rien à se dire.

 

J'ai donc décidé de leur dire adieu, et de faire de vous, amis lecteurs, les témoins de ce renoncement. En plus, ça me faisait une note pour pas cher. Voici donc le mail que j'ai envoyé à mes amis les plus chers, en espérant qu'ils ne se perdent pas trop par ici (bon, doit y en avoir une qui passe de temps en temps, et encore, chuis pas sûr).

 

***

 

Mes amis. Mes chers, merveilleux, malheureux amis.

 

Regardons-nous.

 

Sur nos fronts encore purs, nos cheveux reculent, toujours plus loin, toujours plus haut sur nos crânes au sommet desquels, pour certains d'entre nous, une plaque rose commence à apparaître, chaque matin un peu plus large.

 

Nos seins, qui étaient si fermes, si exquis, de parfaits fruits défendus, que seules deux décennies de bonne éducation dans une culture de culpabilité judéo-chrétienne et de timidité maladive me prévenaient de leur faire pouet-pouet avec le doigt, nos seins magnifiques tombent, comme deux sacs de ciment, tombent et se flétrissent et se couvrent de vergetures.

 

Nos conversations emplies de passion sur des choses qui, je n'en doute pas même si je les ai oubliées, étaient passionnantes, et importantes, et belles, nos conversations ne portent plus que sur des commérages, des anecdotes amères sur le travail qui bouffe tout notre temps, ou, plus terrifiant encore, le petit dernier qui fait ses dents.

 

Aux coins de nos yeux se creusent, sous l'action inexorable des marteaux-piqueurs de la vie de bureau, de profondes pattes d'oies, sillons qu'empruntent nos larmes salées, qui coulent pour notre jeunesse perdue.

 

Aussi, mes amis, je crois qu'il vaut mieux que l'on ne se voie plus jamais-jamais. Afin que jamais ne périsse le souvenir de ce que nous étions, qui ne peut être que supérieur à ce que nous devenons.

 

Adieu, mes amis. Je vous ai tant aimés. Je chérirai toujours ce que vous avez été.

 

***

 

Et là, normalement, ils se jettent à mes genoux tout en pleurs pour me supplier de ne pas les abandonner. Je vous tiens au courant mais normalement, ça loupe pas.

 

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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 21:42

J'ai eu la joie, il y a quelque temps, de pouvoir vous décrire avec lyrisme les joies du pipi fluvial nocturne, à l'occasion d'une des missions de pêche scientifique dans la mangrove sénégalaise auxquelles je prends part trois fois par an depuis deux ans. Bien loin de moi l'idée que j'allais un jour connaître les affres de la courante en comité restreint.

 

Jusqu'ici, ces quatre dernières missions, j'avais tenu. Après une première tentative qui m'avait convaincu que le caca mangrovier n'était pas pour moi, je m'étais blindé les tripes à l'Imodium, et, hormis quelques épisodes gazeux à suspense – foireux ? Pas foireux? - ça avait tenu. Cette fois-ci, ça n'a pas pu.

 

J'aurais dû me douter que cette mission allait être pénible. Outre les trois tornades qui ont bousculé le bateau la première nuit, j'avais été personnellement victime d'une attaque culinaire en la personne d'une saloperie de sauterelle dans mon assiette. Bien cuite. Et comme on mangeait dans le noir, j'ai pas été loin de ne pas la louper avec ma fourchette. Et le lendemain matin, rebelote : je prends ma baguette, m'ouvre une tartine et crac, une bestiole chitineuse noyée dans la mie. Deux plaies d'Egypte en une nuit, ça commençait fort.

 

Et donc, c'est gastriquement que ça allait continuer. Et psychologiquement, bien sûr. J'avais emporté de l'Imodium, bien sûr, mais cette fois, il ne pourrait rien contre l'implacable fermentation intestinale qui devait être la mienne, fermentation décuplée sans doute par l'effet de la chaleur absorbée au niveau de mon bob, transmise par conduction jusqu'à mes tripes innocentes, qui ont bouilli comme un chaudron de sorcière et produit une mixture jaune et molle excessivement encline à quitter cet environnement infernal.

 

J'ai tenu cependant, envers et contre tout, et réussi, en trois jours loin de toute gogue civilisée, à ne descendre à terre que trois fois. Trois épisodes d'intense embarras. La première fois, au moment de débarquer, je ne vis que trop tard la bouillasse infâme qui formait la grève, au lieu de l'habituel tapis de coquillages. J'ai failli perdre mes tongs, en ai pété une, me suis précautionneusement éloigné de mes compagnons (des hommes deux fois plus âgés que moi et qui ont manifestement su, au fil des ans, dompter leurs boyaux et leur imposer leur loi. J'espère un jour être comme eux), et, me camouflant derrière un buisson, me suis accroupi pour faire ma petite affaire. C'est là que je me suis rendu compte que non seulement mon bermuda ne tenait pas à mes genoux, mais que j'avais oublié qu'en extrayant mes tongs de leur gangue vaseuse, je m'étais salopé les bras jusqu'aux coudes, ce qui est inconvenant quand on tente d'utiliser du papier toilette. J'ai passé ma colère sur de malheureux crabes, qui se virent interdire la sortie de leurs tanières par des bouchons de papier sales, avant de revenir vers la pirogue, le bas de mon bermuda crasseux, en bafouillant « non mais c'est pas ce que vous croyez, hein ».

 

Ce fut le plus facile de mes étronnages de la semaine.

 

Le second fut sur l'ilot habituel. Mes compagnons ayant décidé avant moi de partir l'un à gauche, l'autre à droite, je dus prendre le chemin du milieu. Et plus j'avançais, plus je réalisai que c'était un chemin touristique, et qu'il n'y avait aucune issue à droite ou à gauche, et que j'allais soit faire le tour de l'île et tomber sur un de mes vénérables collègues, soit devoir me résoudre à m'exécuter dans un coin peu abrité. Ce que je fis, avec les coups d'oeil furtifs et inquiets d'un petit animal traqué. Personne n'est venu. J'ai quitté le baobab de mon forfait comme un voleur, et trouvai des graines épineuses accrochées dans mes poils jusque deux jours plus tard.

 

Le dernier de mes étrons terrestres fut déposé au bord de l'eau, après une course épique contre la marée incluant un passage rampé sous un arbre et un à moitié dans la flotte. J'arrivai enfin dans un espace hors de vue de tous, entre deux Rhizophora, constatai une fois de plus qu'on fait toujours caca plus loin qu'on ne le croit, me fit racler le popotin puis le dos en me relevant par une branche malicieuse, paniquai à l'idée que je puisse m'être étalé ma propre substance sur mon beau t-shirt, l'enlevai pour vérifier (il était tout propre) fuis, puis le lancement de mes boyaux me fit faire demi-tour pour remettre une couche sur les coquillages, avant de rentrer pour de bon.

 

Ce dernier doublé sur la plage ne devait être que le prélude d'une longue, longue soirée. Parce que je n'osais pas demander à retourner à terre, j'ai dû, des heures durant, serrer les fesses contre les flèches qui me déchiraient le bas-dos, debout, serrant les dents, répondant à peine aux conversations auxquelles on tentait de me convier, parce que là-bas, au fond du bateau, là où se trouvent les toilettes (rappel : on parle de ça), il y avait en permanence trois personnes, le cuistot, avec une vue imprenable sur les lieux, le pilote (presque aussi bien placé) et un autre collègue assis sur la glacière derrière laquelle se trouve le paravent derrière lequel se trouve le harnais. Bon sang, que ces heures furent pénibles.

Puis, enfin, quand tout le monde se mit à table (cinq mètres plus loin), je pus enfiler ma lampe frontale (il faisait nuit), m'armer de mon rouleau de pécu, et me caler la corde derrière le dos. Imaginez-vous le pauvre Francis, fléchi sur ses petits genoux fragiles, suant pour ne pas perdre l'équilibre et passer à la baille, sa lourde panse inconfortablement pressée contre les cuisses, le t-shirt coincé derrière le harnais pour éviter tout accident, la tête au niveau des genoux, les fesses blanches au-dessus des eaux noires, lâchant de sonores, misérables et interminables crépitages avant de se vider de quelques grammes de matière organique, à peine de quoi fournir le dîner d'une petite famille de tilapias.

Je me relevai stoïquement sur des jambes flageolantes, me dirigeai vers la table en attendant des commentaires entendus qui ne vinrent heureusement jamais, et, après avoir avalé une demi-douzaine de raviolis, repartis dare-dare à l'arrière pour expulser le placenta. (haha, non. C'était encore du caca.)

 

Je passerai sous silence la nuit et le voyage de retour sur des routes cabossées. Qu'il me suffise de dire que les deux furent longs et douloureux.

 

A l'heure qu'il est, je suis chez moi, j'ai mal aux fesses, et je suis allé me vider plus de fois que je ne saurais compter. Et je n'ai que du sopalin.

 

Je suis un putain de martyre.

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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 20:42

Les livres, c'est chouette. Enfin, globalement, dans le principe, je veux dire. Parce qu'en fait, il y a plusieurs sortes de livres. Par exemple, il y a les livres nuls, et les livres bien. Les livres nuls sont faciles à repérer : généralement, on voit la tête de leur auteur dans le métro. Pour les livres bien, c'est plus compliqué. D'autant qu'il y a plusieurs sortes de livres bien. Il y a les livres bien qu'on aime bien lire un soir d'hiver au coin du feu, et les livres bien qu'on aime bien lire dans le métro. Il y a les livres bien qui se passent au temps des chasseurs de mammouths, et les livres bien qui se passent au temps des vaisseaux spatiaux et des pistolasers qui font piuuu piuuuu. Il y a les livres bien qui font réfléchir, et il y a les livres bien qui font pleurer (dans le cœur, sauf si vous êtes une fille), et, catégorie plus rare, il y a les livres bien qui font rire.

C'est de ces livres que nous allons parler aujourd'hui, pour changer un peu. Parce que ce n'est pas facile à trouver, des livres qui font rire pour de vrai. Il y a des bouquins qui ont des passages marrants, comme Tom Bombadil dans le Seigneur des Anneaux, mais ce n'est pas pour ça que ce sont des livres drôles. En ce qui me concerne, j'ai eu le bol d'en trouver quelques-uns. Et comme j'aime bien disséminer mon bonheur comme si c'était de la semence d'huître et que j'étais une huître, voilà, pour vous, rien que pour vous, une liste de livres qui m'ont fait rire, et ce n'est pas courant. Vous avez bien sûr le droit de ne pas être d'accord. Tous les goûts sont dans la nature. Mais comme je suis TRES susceptible où mes bouquins préférés sont concernés, si vous ne les aimez pas, ne le dites pas, d'accord ?

Allons-y.

Il y a plusieurs sortes de livres sur l'apocalypse : ceux où on se dit « hou mon dieu, pourvu que les héros arrêtent le seigneur des ténèbres avant qu'il ne provoque l'apocalypse sur terre », et il y a De Bons Présages, de Neil Gaiman et Terry Pratchett. Là, ce n'est pas de l'apocalypse pourrie sur un monde plein d'elfes et de gobelins poisseux, c'est chez nous, c'est comme la Bible l'annonce, sauf qu'à sa naissance, l'Antéchrist est échangé par des sœurs satanistes maladroites, et il se retrouve élevé loin des démons et des anges censés le surveiller, dans la campagne anglaise, tout à fait inconscient de la tâche qui lui incombe. On a, en plus d'un pitch terrib', un casting qui déchire, avec un ange et un démon peu en accord avec leur hiérarchie, une armée de deux chasseurs de sorcières, une Catin de Babylone, un Molosse de l'enfer dénommé Toutou et des Motards de l'Apocalypse. Du tout bon.

Il y plusieurs sortes de romans de voyages : il y a ceux qui narrent une aventure humaine à la portée philosophique profonde, et il y a ceux de Bill Bryson. Pour n'en citer qu'un, sinon on est pas sortis de l'auberge, Motel Blues décrit son périple en bagnole dans l'Amérique profonde, un peu bouseuse et riche en petites villes et monuments absolument sans intérêt, auxquels Bryson sait (j'ai pas compris comment) donner une touche absolument fantastique. Avec en prime des vrais morceaux d'autobiographie pleine d'autodérision, que du tout bon.

Il y a plusieurs sortes de héros de romans qui viennent du froid. Il y a les flics taciturnes qui enquêtent sur des cadavres échoués sur les plages, et les lesbiennes tatouées hackers violées vengeuses qui partent trucider des méchants au pistolet à clous dans une ambiance glauque. Et il y a les pasteurs amateurs de lancer de javelot ascensionnel, qui quittent le foyer familial avec leur ours à peu près domestique nommé Belzéb (une aventure peu platonique avec une biologiste venue étudier la tanière artificielle de la bestiole n'y est pas pour rien) pour partir à l'aventure un peu au hasard, de la Russie à Malte, comme dans Le Bestial Serviteur du Pasteur Huuskonen d'Arto Paasilinna. Il y a aussi les trappeurs un peu alcooliques qui élèvent à cinq, avec l'aide d'une vieille Esquimaude, un gamin dont ils sont tous le père potentiel, et avec qui les aventures s'enchaînent, entre les attaques de loups, l'arrivée terrifiante d'un prêtre ou celle, beaucoup plus joyeuse, d'une petite culotte dans la Maison de mes Pères, de Jorn Riel (je remercie au passage Charles de me l'avoir fait découvrir). C'est drôle et tendre comme une Rue de la Sardine au Groenland (ne pas oublier Rue de la Sardine).

Il y a plusieurs sortes de livres sur l'Inquisition. Il y a ceux qui font frissonner et se dire bon sang, ces gens-là ne sont pas humains. Et puis il y a la Calamiteuse Progéniture du cardinal Guzman, religieux sud-américain dans un pays dont le président tente de régler la dette nationale par la magie sexuelle viking, qui envoie sans trop le vouloir une tripotée de tueurs semer la panique dans le pays, jusqu'à ce qu'ils arrivent à Cochadebajo de los Gatos, où les putes servent d'armes biologiques et où les guerilleros marxistes côtoient les sorciers indiens, les fantômes, les conquistadors ressuscités et les chats géants amateurs de chocolat.

Il y a plusieurs sortes de livres de science-fiction humoristiques, ceux de Sheckley et les autres. Sheckley, c'est des types qui ne se retrouvent plus dans leur société, qui vont chercher l'Utopie sur Tranaï et trouver qu'elle est plus dangereuse que ce qu'ils croyaient, des décontaminateurs planétaires qui vont affronter les monstres de leur enfance et redécouvrir la puissance du pistolet à eau, des aspirateurs qui tombent amoureux, ou des schizophrènes qui partent à la recherche de leurs autres personnalités insérées dans des droïdes sur des planètes lointaines.

Il y a plusieurs sortes de livres dont l'héroïne est une vieille dame décrite par son petit-fils comme « un sac baveux de chair en décomposition », qui arbore une petite barbiche, dont la meilleure amie envoie des lettres à des inconnues en déduisant de leur nom de famille qu'ils doivent être collectionneurs de champignons (et sûrement pas de panier d'osier), et qui se retrouvent dans une maison de retraite où se trament de drôles d'histoires pas nettes, avec en arrière-plan une abbesse espagnole qui a une meilleure idée que les Evangiles sur le rôle de Marie-Madeleine. Ha non, il n'y en a qu'un, et c'est le Cornet Acoustique, petit bijou déjanté, raconté à la première personne par cette charmante vieille à moitié sénile.

Il y a plusieurs sortes d'auvergnats : ceux dont on se dit qu'un seul, c'est déjà un de trop, Brice Hortefeux, au hasard, et d'autres dont on se dit bon sang, en se frappant la poitrine, pourquoi faut-il qu'il n'y en ait qu'un, comme Alexandre Vialatte, pas du tout au hasard. Ses chroniques, publiées dans le journal la Montagne, sont des petits bijoux d'humour à la langue ciselée, que c'en est un des seuls auteurs, avec Gotlib, dont je pleure en les lisant en me disant que jamais je pourrais ne serait-ce que m'approcher à douze années-lumière tellement que c'est bien écrit. En plus, lors de ses passages du coq à l'âne, il n'omet pas de faire un petit détour par l'oryctérope, dans ses chroniques, et je pourrais dire que c'est une des raisons qui me le font aimer, mais ce serait faux, parce qu'en fait, j'aime l'oryctérope à cause de Vialatte. Lisez ses chroniques, vous en ressortirez tout guillerets et avec plus d'étoiles dans les yeux qu'au retour du défilé de Victoria's Secret (non contractuel).

Il y a plein de sortes d'histoires d'amour. Mais y'en a-t-il tant que ça où l'héroïne est la fille d'un couple de vieux fermiers, est super belle (elle écrase toute la concurrence, c'est bien expliqué), est convoitée par un prince alors qu'elle aime un palefrenier qui s'en va chercher fortune et meurt tué par un pirate, et qui se fait enlever par un sicilien diabolique, le meilleur escrimeur du monde (un espagnol alcoolique qui recherche un homme à six doigts) et l'homme le plus fort du monde (un turc benêt qui adore faire des rimes) ? Y'en a-t-il beaucoup avec des RTI (Rongeurs de Taille Inhabituelle) ? Où l'auteur explique qu'en fait, il n'est pas l'auteur, il s'est contenté de garder les passages intéressants d'un roman médiéval (renaissance ? Pas facile à dire), et intervient de temps en temps pour rassurer le lecteur sur le sort des personnages, ou au contraire leur dire que la vie est dure, c'est pour ça qu'il va se passer quelque chose d'horrible, mais c'est pas grave, enfin si, mais c'est la vie, quoi) ? Non, il n'y a que Princess Bride, de William Goldman.

Bon, j'avais prévu de parler aussi des nouvelles cruelles de Saki, une des références de Roald Dahl, des uchronies barrées de Jasper Fforde  mélangeant SF, polar, fantasy, où l'héroïne se retrouve dans le monde des livres à communiquer avec ses collègues de    la Jurifiction par l'intermédiaire de notes de bas de page, du charmant Orgueil et Préjugés et Zombies (où Orgueil et Préjugés se voit rajouter des passages de baston de zombies par des sœurs Bennett entraînées par des moines Shaolin, de l'épopée absurde  d'un ET paumé dans Barcelone (Sans Nouvelles de Gurb), et des innombrables annales du Disque-Monde de Pratchett, mais vous lisez déjà plus, si ?
Allez, si vous en avez d'autres, n'hésitez pas.

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 20:42

Je me suis toujours considéré comme quelqu'un d'un naturel gai et enjoué. D'ailleurs, c'est bien simple, demandez à n'importe lequel de mes amis, il vous répondra : « Francis ? Ce mec-là est un des plus gais que je connaisse ! Franchement, ouais, on peut dire que c'est un putain de gros gai (1), carrément. Et enjoué, avec ça ! Vous savez, comme un petit chat qui joue avec une pelote de laine ? Ben pareil. Quand je vois Francis jouer avec une pelote de laine en se roulant sur la moquette, je me dis que j'ai de la chance d'avoir un ami aussi enjoué. »

 

Cependant, aujourd'hui, ce naturel gai et enjoué est mis à rude épreuve. Mon front se plisse de funestes rides précoces, mes sourcils, d'ordinaire guillerettement perchés sur mon front d'albâtre, tombent avec morosité vers la racine de mon nez, jetant une ombre de tempête sur l'océan de mes iris azurés, et pour tout vous dire, un début de constipation saisit mes entrailles dans une poigne d'airain.

 

Oui, aujourd'hui, j'ai quelque chose qui me chagrine. Deux choses, en fait. La première, c'est que je viens de réaliser qu'il était trop tard pour me faire appeler Riton la Goberge. Que jamais, dans la rue, on ne viendrait m'interpeller « Hé, mais c'est ce vieux Riton la Goberge ! Comment ça va, yau de poêle ? ». Que jamais je n'entendrai, à l'Eurovision « and finally, Witon la Gobeuwge, France, twelve points ! ». Ça me fend le cœur.

 

Mais ce n'est que peccadille par rapport à l'autre de ces deux choses : je me suis rendu compte que, dans quelques semaines, j'aurai quitté le Sénégal. Je serai de retour en France, loin de mon petit appartement pépère avec la boulangerie à côté où je pouvais aller en babouches m'acheter un mauvais hambuger-piment, loin de ma douche pout-pout, loin des varans et des pélicans, loin de mon salaire, loin du tieboudienne, loin des moustiques facétieux et des couilles de mouton, loin des dix personnes auxquelles j'ai appris à tenir ici.

 

Et surtout, loin des gens que je n'ai pas encore rencontré, et c'est là ce qui, à mon cœur d'humaniste, est le plus douloureux.

 

Tous ces gens vont continuer leur morne petite existence, sans même avoir conscience qu'ils n'ont pas pu me connaître. Sans avoir l'idée de ces conversations passionnantes sur les mérites comparés de Docteur Who et de Community, ou Treme et the Wire. Sans connaître mon opinion des gens qui ont décidé l'arrêt de Firefly et Arrested Development, ou celui de la tactique des Bleus aux championnats d'Europe. Mon cœur saigne pour ces malheureux. Il saigne car le leur, dans leur ignorance de ce qui se trame, ne peut pas le faire. Peut-être est-ce mieux pour eux, je ne sais pas. Sans doute, à l'heure où décollera mon avion, ressentiront-ils un pincement, une sensation de vide dont ils ne sauront déceler l'origine. Puis ils se remettront au travail, le moral un peu plus bas, le dos un peu plus voûté.

 

Je m'en veux, pour tous ces gens. Je suis rongé d'une culpabilité pernicieuse, comme d'une syphilis qui s'attaquerait à mon amour-propre. Mais je ne puis faire autrement. Mon contrat arrive à son terme, et ne peut être reconduit. Je vais devoir me contenter d'apporter du bonheur à tous ceux qui, égoïstes, ont pleuré lors de mon départ, inconscients du privilège qu'ils avaient de me connaître déjà.

 

Je ferai avec.

 

 

(1) Haha. Non, papa, maman, désolé, je sais bien que vous avez toujours rêvé d'un fils homosexuel pour frimer devant vos amis, mais franchement, vous avez vu comment je m'habille ? Définitivement hétéro.

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 19:42

La suite du commencement

 

La naissance des bébés, qui allaient rester « les bébés » jusqu'à leurs dix ans (j'ai longtemps craint de ne pas pouvoir me défaire de la vilaine habitude de les nommer ainsi, mais finalement, j'ai réussi à y arriver avant que leurs premiers poils n'apparaissent) marque une difficile période pour moi : je dus aller à l'école Saint-Joseph, à Mende, à côté de chez ma mamie, pendant que ma mère était occupée à accoucher et tout ça, et que mon père... En fait, je n'ai aucune idée de ce qu'il faisait à ce moment.

Je n'ai, je l'ai déjà dit, aucune notion du temps dans mes souvenirs. Je serais donc bien infoutu de vous dire combien de temps j'ai passé à Saint-Joseph, à accrocher mon petit manteau au porte-manteau, à tracer indéfiniment des boucles sur un cahier, pendant qu'il pleuvait, pleuvait, pleuvait, et que mes récréations se bornaient à traîner debout dans un coin. Si ça se trouve, ça n'a duré qu'une semaine avant que ma mère ne revienne. Mais à mon avis, elle a bien pris douze ans avant de rentrer nous chercher. Douze ans de pluie, de grisaille, douze ans de désespoir, douze ans de mutisme, douze ans à contempler le bout de mes Kickers. Jusqu'à l'heure du goûter.

 

Si je me souviens bien, c'est aussi de cette époque que datent mes premières tentatives d'écriture. En effet, pour essayer de nous faire croire qu'il allait continuer à s'occuper de nous malgré l'apparition des bébés, mon père avait proposé à ma soeur et moi d'écrire un journal, que nous lui dicterions et dont nous réaliserions les dessins. Celui de ma soeur, intitulé « Squelette de Mort », était plein d'informations sur le voyage du roi du Maroc en Australie, la météo, et sur une fille de dix-huit ans qui est allé faire les courses toute seule pour la première fois. Si je me souviens bien, elle avait ramené un poulet et l'avait cuit avec des oignons pour l'amener à sa mère qui souffrait de la gorge. En fait, j'ai triché, j'ai vérifié, et c'était bien ça.

Mon journal était bien plus passionnant. Mon « Tambour de Gaspard » regorgeait d'aventures de l'anniversaire de Musclor, de gens qui tiraient sur la maison mais c'était des polices, d'hélicoptères qui battaient les avions, malgré les dragons qui leur crachaient du feu dessus mais ils étaient plus solides que les ours polaires, de bélier et de son papa qui cassaient la gueule aux loups et de hibou et de poussin qui mangent de la graine ensemble. Ha, et il y avait des oiseaux qui faisaient des p'tits trucs, aussi. Du sang, du sexe, et des beaux sentiments. Hollywood m'aurait embauché à l'époque que je serais milliardaire aujourd'hui.

 

Hélas, depuis, j'ai perdu la flamme, et je ne sais plus inventer une histoire. L'autobiographie est le genre littéraire de ceux qui ont perdu en eux le petit garçon ébahi de la solidité des ours polaires.

 

 

*****

Suite de la Suite

 

*****

 

Nous sommes assez rapidement rentrés au Maroc après la naissance des bébés. Juste à temps, en fait, pour profiter du saut spatio-temporel qui fit passer deux ans en trois jours. Enfin, j'espère, sinon, je me demande ce que j'ai fait de ces deux ans.

 

Je me souviens parfaitement de notre déguisement en moulin à café à l'occasion du carnaval en maternelle (le mien était rouge, et si je m'accroupissais en rentrant les bras dans mon carton, l'illusion était parfaite), de la décoration de boîtes à camembert avec des coquillages pour la fête des mères, et de ma première humiliation scolaire, quand j'ai fait caca dans ma culotte. La maîtresse n'en a rien su, mais un de mes enfoirés de petits camarades ne s'est pas gêné pour venir me renifler le derrière et s'exclamer « Gaspard, il a fait cacaaaaa ! ». Enfin, je crois. Heureusement, c'était le moment du nouveau saut temporel qui m'amenait à la plage des Nations, sur la côte Atlantique, ce qui m'a évité d'avoir à subir une réaction de la maîtresse et de la classe. Ou alors, j'ai refoulé tout ça très loin. Très très loin.

 

En tous cas, sur cette plage des Nations, j'ai frôlé la mort de près. C'était le jour où mon père avait annoncé qu'il allait se rendre à Montpellier et où, dans un accès de cromeugnonitude qui me fait honte aujourd'hui, je lui ai demandé, en battant des cils et en ouvrant des yeux de Bambi, où était son Peulier. Si je pouvais remonter le temps, je me collerais une baffe. La naïveté sucrée m'écoeure.1

La nature n'allait pas laisser passer ça. Farouche ennemie des mignons blondinets, elle a profité que mes parents ne s'occupent pas de moi pour envoyer une vague haute comme un immeuble me faire expérimenter le destin du linge sale dans la machine à laver : pendant un siècle à peu près, j'ai roulé dans le noir, sans savoir où était le haut ou le bas, ou me rappeler ce que ça faisait de respirer. J'ai eu le temps de me dire « ha, je vais mourir », très clairement, puis je me suis retrouvé à la surface, en train de respirer.

 

Je n'ai jamais su pourquoi la mer n'avait pas voulu de moi. J'aime à imaginer qu'elle ne faisait ça que dans un but éducatif, pour me dissuader d'attirer l'attention à moi avec des réflexions idiotes. C'était la deuxième fois qu'elle me punissait. La première, j'avais sottement crié « maman, maman, regarde, je fais du sous-l'eau ! », et j'avais plongé la tête la première et les yeux fermés, fait quelques brasses, puis étais ressorti avec le nez comme une patate : j'étais allé faire le bisou esquimau à une anémone de mer. Bien fait pour moi.

Depuis, j'ai arrêté de tenter de jouer au gamin mignon, et la mer me caresse de ses algues quand je nage, n'est jamais avare de crevettes ni d'étrilles, et je peux rester avec elle des heures, même en Bretagne. Elle m'a pardonné, il faut croire.

 

 

 

Je reviens, et je relis. C'est lyrique, dites-donc les amis. C'est ce que ça fait d'écrire à des trois heures du matin, ça. Là, il est pas une heure, et du coup, revient à mon esprit que je n'ai pas été mignon longtemps. En CE2, vous m'auriez connu, vous m'auriez jeté aux chiens.

 

Ce n'est pas tout seul que je suis devenu une ordure, bien sûr. J'y ai été aidé par un maître d'école que mon papa décrivait à ses amis comme un « néo-pétainiste branché ». Il trouve toujours les mots justes, mon papa. M. D. était jeune, chauve et méchant, l'un étant sans doute la raison de l'autre (on trouve peu de chauves gentils, regardez le Pingouin dans Batman). Et surtout, il m'a poussé sur la route mal fréquentée des petits premiers de la classe. C'était facile, il nous amadouait avec des bons points, de jolies images dont je n'ai plus aucune idée de ce qu'elles pouvaient bien représenter mais qui étaient un Graal en mieux, puisqu'on pouvait en avoir plein, et qu'elles signifiaient qu'on était meilleur que les autres.

J'en gagnais. J'en gagnais des tripotées, même, sans vouloir me vanter. J'étais le dieu de la dictée (j'ai fait une faute dans l'année, je m'en souviens encore : j'avais écrit encors, à cause de la Fontaine qui devait l'écrire comme ça quelque part). Et du coup, je l'aimais bien, M. D. Et ça ne me choquait pas de lire Samba le petit noir, ou qu'il demande de la picole à ses élèves pour son anniversaire (il a eu une belle collection de bouteilles sur son bureau, ce jour-là). Du moment qu'il distribuait ses bons points et que j'en avais plus que les autres, il faisait ce qu'il voulait.

Et donc, quand il m'a demandé de surveiller la classe, je l'ai fait, et quand il est revenu demander si quelqu'un n'avait pas été sage, j'ai dénoncé ce con de Yann.

 

Oui.

 

J'ai été une petite balance. Le péché ultime des mômes, je l'ai commis.

 

Et j'en ai éprouvé du plaisir. Parce que ce petit con de Yann, je ne l'aimais pas, il était bien coiffé et il écrivait des cochonneries aux filles. Je me souviens d'une fois où M. D. lui avait demandé de lire à voix haute un petit billet qu'il avait rédigé. « Machine (je ne me souviens pas du nom de la gamine), tu es jolie, je voudrais bien te faire l'amour ». Là, il s'est fait tirer l'oreille, Yann. « Lis ce que tu as écrit !

...Je voudrais bien te baiser »

Vous savez quoi ? Le pire, c'est qu'aujourd'hui encore, je regrette pas. Parce que décidément, il était con, ce petit con de Yann, et Machine, elle était jolie.

 

 

1Ca vaudrait aussi pour la fois où je lui ai demandé si les portes de notre 4L étaient « ouvertes à clé ». Heureusement que les blogs n'existaient pas à ce moment, sinon j'étais bon pour me retrouver dans le recueil des citations trop choupi des pitits enfants de l'école André Chénier. J'en tremble encore.

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 22:42

Je savais bien que je ne tiendrais pas. En même temps, ça m'a permis de voir où étaient mes VRAIS amis, et les gens de bon goût. Hmpf. Y'en a pas beaucoup.

 

Cela étant dit, hein, j'ai toujours pas grand-chose à dire, si ce n'est rassurer Pat sur la question du roman : j'ai essayé, mais au bout de cinq pages, j'ai abandonné, parce qu'en fait, je n'avais rien à dire.

 

Pour la postérité, voici donc les premières pages de mon autobiographie, commencée il y a quelques années, qui n'est jamais, heureusement, allée très loin. Je vous l'ai même mis dans une autre police pour que vous puissiez faire la différence avec ce qui n'est pas mon autobiographie, c'est à dire jusqu'à la fin de ce paragraphe. Au fait, la famille, évitez de lire, c'est pas pour vous, c'est pour les gonzesses.

 

 

*****

 

Si je me lance aujourd'hui dans la longue et pénible tâche d'écrire mes mémoires, c'est en particulier pour mes petits-enfants.

Plus exactement, pour avoir des petits-enfants. Etant donné mon incapacité notoire à draguer couplée à mon sex-appeal de pécari asthmatique, j'ai décidé de me rabattre sur la solution idéale à laquelle se résolvent plein de losers : écrire un livre. Ainsi, je pourrai profiter des séances de dédicaces pour trouver l'âme soeur.

 

Je nous y vois déjà. Elle sera là, svelte et tremblotante, les yeux écarquillés par son audace, et me confiera dans un souffle « Je... C'est la première fois que je viens voir un auteur... le récit de votre enfance m'a tellement touchée, le souffle épique de vos aventures... » Elle rabattra une mèche de cheveux roux derrière une délicate petite oreille ourlée et cramoisie, déglutissant l'abondante quantité de salive que le trac lui aura fait sécréter, et je suivrai des yeux le trajet de cette salive le long d'une gorge ravissante, jusqu'à un décolleté soyeux et appétissant, et je lui ferai une dédicace pleine d'esprit et de sous-entendus, et je signerai de mon numéro de téléphone, et vogue la galère. En espérant qu'elle soit bonne cuisinière.

 

Ceci étant dit, il me reste ces mémoires à écrire, et je n'ai malheureusement pas les sous pour me payer un nègre. C'est une gageure pour quelqu'un comme moi qui, outre le handicap de n'avoir aucune mémoire des évènements, a eu une enfance totalement dépourvue de rebondissements et n'a pas vraiment entamé sa vie de grand (celle où on peut serrer des secrétaires lubriques entre deux photocopieuses, ou délivrer des otages de pirates somaliens)1.

 

C'est pourquoi j'ai décidé de saupoudrer cette autobiographie de notes n'ayant absolument aucun rapport, mais qui sauront éventuellement rallumer la flamme de l'intérêt de toi, lecteur (et surtout de toi, ravissante possesseuse de poitrine soyeuse), et auront en plus le double intérêt de rajouter de la pagination, me faisant croire que j'arrive à pisser de la copie aussi bien que Marc Levy, et de donner un petit côté conceptuel qui ravira les éditeurs audacieux et/ou désespérés encore plus que des fautes de grammaire telles que « l'intérêt de toi », dont je viens de me rendre compte.

 

Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, hein ! Quand je dis que mon existence a été pauvre en rebondissements, je veux juste dire que je n'ai pas vécu d'expériences particulièrement dangereuses (quoique, j'ai été mordu par un poney, une fois), pathétiques (quoique, j'ai porté une coupe au bol pendant des années, une fois) ou violentes (quoique, j'ai découpé un dauphin au sécateur, une fois).

 

Je ne vais pas prétendre non plus que mon existence a été plate comme la poitrine de Carla Bruni, non plus. Autant que je puisse en juger, ç'a été un beau foutoir. Parce qu'elle a beau avoir été particulièrement pleine de moi, qui suis stable et équilibré, l'honnêteté intellectuelle me force à reconnaître qu'elle a été également assez fournie en ma famille, mon existence.

 

Et qu'une famille avec des portugais, des guadeloupéens, des polonaises corsifiées, des bretons, des lozériens, des algériens libanais, des camerounais, des italiennes, des artiss', des profs, des syndicalistes, des belges, des biologistes en veux-tu en voilà, des médecins, des grands bourgeois, des nantis, des mamies poseuses-de-cierges-aux-examens, des mamies Alzheimer, des tontons-gâteaux transformés par la grâce du divorce en méchants-pires-que-Voldemort, des sportifs, des hypertendus, des nounous marocaines, des comptables, des paranoïaques, des snobs, des broyeurs-de-grenouilles, des juges, des croyants, des yogistes, des espions (enfin, je crois), des cordons-bleus, des geeks, et je ne parle même pas des pièces rapportées, ben, ça fait un peu foutoir. Joyeux foutoir, notez.

Rajoutez-y des amis bretons, mosellans, belges et assimilés, geeks, chasseurs de poissons, ermites ruraux, hystériques des hippopotames, castreurs de truies, branleurs d'étoiles de mer, écrivains, mangaphiles, chefs d'orchestre, blondes, rôlistes, communistes, comtes, odorants, thésards, informaticiens, roux, thésards en informatique, auteurs de bédé, et j'en oublie un paquet, et vous comprendez pourquoi j'en suis venu à compter sur ce livre (mine de rien, j'en suis à quatre pages)

 

Mais je vais faire avec les moyens du bord et commencer par le commencement, si vous le voulez bien (je sais, ce n'est pas vraiment une marque de sollicitude vis-à-vis de vous, lecteur, je ne vous laisse pas réellement le choix, mais on ne se défait pas d'une bonne éducation aussi facilement que ça, que voulez-vous).

 

 

1

En même temps, si j'avais pu me serrer des secrétaires entre deux photocopieuses, je n'aurais pas à écrire ces Mémoires pour me lever une belette.

 

 

*****

 

Le Commencement.

 

*****


Tentons le flash-back. Zoomez sur mon regard bleu comme un ciel de montagne en hiver, approchez-vous de mes pupilles liquides, et pénétrons ensemble mon plus ancien souvenir. Un écran blanc palpite, et le point se fait sur un berceau avec deux bambins dedans. Mon petit frère et ma petite soeur, la première image qui me vient à l'esprit.

 

En fait, non.

Mon premier souvenir est d'une grise après-midi dans un parc marocain, où, accompagné de mes parents et de ma grande soeur, j'ai officiellement été à l'origine de la conception des deux marmots précités.

C'est dans ce parc de [je sais plus le nom, en fait], où claquent les becs des cigognes et souffle le vent d'hiver, que j'ai lancé une pièce dans une fontaine à souhaits, enclenchant le processus de fabrication des futurs jumeaux.

 

Ha oui, nous étions dans ce parc parce que mes parents, ainsi que moi et ma soeur, donc, habitions au Maroc. Mon père faisait compter des graminées par des étudiants, et ma mère faisait quelque chose qui me permettait d'avoir un train électrique au Noël du consulat de France. Ce n'est qu'après que j'ai su qu'elle était assistante sociale, ce qui longtemps a signifié qu'elle mettait des tampons sur des papiers, et que des fois elle me laissait faire. J'ai encore quelques livres (de Yak Rivais, surtout) qui arborent fièrement leur appartenance au consulat de France à Rabat sur leur tranche.

 

Mais revenons à nos jumeaux. Enfin, aux miens. Du moins, à ceux de mes parents, qu'ils n'auraient jamais eus sans moi et un gros paquet de veine.

Parce que oui, rétrospectivement, je me dis qu'ils ont eu une chance de cocus, avant même leur conception, ces deux-là. Parce qu'il fallait que la pièce soit lancée pile-poil sur la table au milieu de la fontaine à souhaits, et que la fontaine était profonde, que la table était gardée par de farouches anguilles carnivores, et que la coordination musculaire d'un gamin de trois ans n'est pas franchement fiable.

Toujours est-il que ma pièce, après avoir touché la surface, a coulé avec la désinvolture nonchalante d'une feuille morte, échappé aux mâchoires des anguilles, et est venue se loger exactement dans le trou au centre de la table. Je ne sais pas si Dieu existe, mais il serait venu lancer sa piécette qu'il aurait pas fait mieux.

Et donc, tout excité, je me suis retourné vers mes parents, j'ai fait de ma voix fluette de blondinet « je veux un petit frère ou une petite soeur », et ma grande soeur m'a repris, et elle a dit « un petit frère et une petite soeur, ce serait mieux », et j'avais le droit de changer mon souhait parce que ma pièce était tombée dans le trou au milieu de la table, et j'ai changé, et un an plus tard, je me retrouvais en Lozère, chez ma mamie, encombré d'un petit frère et d'une petite soeur qui s'accaparaient paresseusement mes parents pas ravis. Enfin si, mais c'était pour l'allitération. La licence poétique, tout ça.

 

Je sais pas si vous vous rendez bien compte. A quatre ans, j'étais responsable de la venue au monde d'une future gauchiste effrénée et d'un futur broyeur de grenouilles au pilon. Et c'est la chose la plus importante que j'aie fait jusqu'ici, et celle dont je suis le plus fier.

 

Enfin, pour l'heure, ils n'étaient respectivement qu'un espèce de rôti rouge et vagissant pétant de santé et une crevette pâlichonne couverte de ventouses, qui avait échappé de peu à la faux de la Mort Subite du Nourrisson, ce qui aurait épargné bien d'innocentes reinettes, mais empiété sur la connaissance des populations de fourmis des parcs lyonnais. Un mal pour un bien, j'imagine.

 

*****

 

 

 

Voilà pour la première partie. S'il y en a que ça intéresse vraiment, mais genre vous allez vous faire pipi dans la culotte si vous pouvez pas lire les trois pages qui suivent, je peux être bon prince, vu que ça n'ira pas plus loin. Mais il faut que je sente votre détresse et votre amour, sinon, pfffrt.

 

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