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FIGB recrute




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3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 14:42

Ecrire des discours, c’est un truc que j’aime bien. Le seul problème, c’est qu’on ne me le demande pas souvent. En fait, jusqu’à il ya deux semaines, ça m’était arrivé une fois, mon popa me demandait de faire le nègre pour un consul ou un ambassadeur, je sais plus. Puis, il y a deux semaines, donc, une amie (que j’aime imaginer toute pleine de détresse à en déborder par les yeux) s’est tournée vers moi pour me dire « hé, tu veux pas me faire un discours pour le mariage de Y et M, j’ai pas d’idée, là. S’il te plait ? ».

N’étant pas homme à laisser une demoiselle (d’honneur, en l’occurrence) pédaler désespérément dans la choucroute qui lui sert de cervelle pour se dépatouiller d’une situation dans laquelle est s’est fourrée toute seule, j’ai pris ma plus belle plume et une grosse demi-heure pour lui pondre ce truc dont j’étais très fier :

 

 

Chère Y., cher M.,

Enfin !
Je suis bien soulagée. Ca me faisait bien mal au coeur, depuis le temps que je vous connais, de penser que vous viviez dans le péché.

Car oui, Y., oui, M., profiter ainsi honteusement des avantages de la vie de couple sans permettre aux copains d'en profiter pour se mettre une méchante minasse, c'est péché !

Oui, depuis tout ce temps, vous nous niez la possibilité de trouver le couvercle à notre pot, en refusant la célébration de l'officialisation de vos galipettes devant le maire !

...
Hum. Je crois que ça ne sonnait pas bien.
Enfin, en refusant la célébration de l'officialisation devant le maire de vos galipettes, voulais-je dire.

Qui sait si vous ne m'avez pas privée d'une idylle avec le charmant témoin, là-bas *pointer vers le témoin s'il est célibataire et charmant*, hein ? Ou si vous ne l'avez pas privé d'une mémorable séance de jambes en l'air avec cette autre demoiselle d'honneur, non moins charmante ?

Le mariage, Y. et M., est, quand on est dans votre situation, un couple solide que ni la cuisine au tofu ni les parties de paint-ball *tu peux sans doute trouver mieux, hein, là, demoiselle en détresse, tu les connais mieux que moi* n'ont pu séparer, ni même les occasions de débauche innombrables que permettent la vie en école d'ingénieur (ou insère ici la formation de M.), dans votre situation, disais-je, le mariage est donc une obligation morale vis-à-vis des copains, que vous avez trop longtemps laissé traîner. L'obligation, pas les copains. Quoique.

Et non, ce n'est pas que ma libido qui parle, j'attends depuis un moment le *insérer ici le plat principal du menu*.

Quoi qu'il en soit, le mal a été réparé.
C'est bien. C'est très bien. Le charmant témoin est maintenant maqué, c'est moins bien, c'est votre faute, et je vous en veux.
Mais je passerai outre, pour cette fois, parce que bon, quand même, c'est votre mariage, hein. Puis le Champomy, ça a tendance à me rendre d'humeur magnanime.

Ordoncques, Y. et M., en ce jour de célébration de votre union devant la foule ici présente, je viens vous présenter les condoléances d'usage. Car si ce jour marque  pour vous le début d'une nouvelle vie de marizetfemme, je ne peux m'empêcher de penser qu'il marque également, de manière logique, la fin d'une vie précédente. Une vie qui s'éteint dans le beurre et l'alcool, ainsi que, avec un peu de chance, dans le stupre, ce qui est sans doute la meilleure fin dont on puisse rêver.

Que votre nouvelle vie soit aussi belle que l'ancienne, et bourrons-nous la gueule !

 

 

Ben croyez-le ou non, elle ne l’a pas lu. Donnez-vous du mal pour les gens, tiens, j’te jure.

En même temps, c’est peut-être aussi bien, parce que je me sentais très malin avec le dernier paragraphe sur la fin d’une vie, avant de tilter que les enterrements de vie de jeune fille / garçon, c’était exactement ça, et que ma super blague avait juste quelques siècles de retard.

 

Ouf. En fin de compte, c'est pas plus mal.

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 09:42

Il y a de cela moins d'un mois encore, je me glorifiais de mon total manque de possessions terrestres, et encore plus du fait que je n'avais besoin de rien. J'étais jeune et idéaliste, et je n'avais aucune velléité d'aller dans le moindre magasin ou d'adresser la parole au moindre type que je suspectais de vouloir me vendre quelque chose.

 

En gros, mis à part mes bouquins et les quelques meubles que j'avais hérité d'un oncle du Portugal, je n'avais qu'un tabouret en bois, un oiseau en balai et un déroule-papier-toilette en boite de conserves (très élégant au demeurant).

 

Hélas, cette vie-là est maintenant derrière moi, car mes parents sont passés par là, un peu comme des démons tentateurs, ceux qui font passer des filles en bikini sous le nez de braves curés qui n'avaient d'intérêt que pour leurs plants de tomates ou leurs cuves à bières (et moi, je n'avais même pas de cuves à bière).

 

Et ils ont commencé à remplir ma maison de trucs et de machins. Ca a commencé par une calebasse, parce que « ben t'avais rien pour mettre tes légumes ». En effet, mais jusqu'à leur arrivée, je n'avais pas de légumes non plus. Et maintenant, je dois en acheter suffisamment pour remplir ma demi-douzaine de calebasses, fort jolies au demeurant, mais bon, voilà quoi. Des calebasses. Ma vie est remplie de calebasses. J'en ai sur les étagères, sur les tables, sur le sol. Elles bouffent mon espace, et je ne peux rien y faire.

 

Mon appartement, qui était un modèle de dénuement que n'aurait pas renié Gandhi, est maintenant un havre à calebasses.

 

Si encore ça s'était arrêté là !

 

Mais non. Ils ont aussi estimé que mon appartement était tristoune. Moi, je le trouvais conceptuel, avec ses beaux murs blancs, constellés de ci de là de quelques taches vermillons, témoignages poignants de la fin tragique de quelques moustiques égarés.

 

Mais non. Il a fallu que j'achète des tableaux pour couvrir les murs. Ils m'ont offert un masque et un vieux bonhomme en bois. Je n'ai échappé au punaisage d'un grand tissu mauritanien sur le mur que parce qu'ils avaient oublié de prendre un cadeau pour ma grande soeur.

 

Ils ont même brisé l'harmonie jaune-marron-orangeasse de mon salon en me forçant à acheter un tissu bleu pour couvrir mon canapé orange. Je vous jure.

 

J'ai l'impression que mon appartement est habité, maintenant. C'est perturbant. J'avais construit mon chez-moi comme un chez-personne-d'autre-et-d'ailleurs-chez-personne, et maintenant me voilà planté là, au milieu de mes calebasses et de mon art africain. J'ai même des assiettes en bois. Et des couverts à salade en bois qui trônent sur mon étagère aux côtés de mon déroule-PQ et de mes masques en authentiques imitations d'antiquité.

 

bibelots.jpg

 

 

bata.jpg

 

 

http://img847.imageshack.us/img847/7863/kungful.jpg

 

 

Et je vais devoir ramener tout ça en France, parce que je me suis mis à y tenir.

 

Je n'avais qu'un déroule-PQ dans ma vie, bon sang. J'étais si heureux.

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22 mai 2011 7 22 /05 /mai /2011 14:42

Mon père est un homme économe de ses paroles. D'aucuns, sans doute, le diraient taciturne. Mais cette façade ne saurait faire oublier à qui l'a un jour entendu que c'est un homme à la sagesse profonde.
C'est pourquoi chacune des paroles qu'il profère sont par moi soigneusement consignées dans le secret de mon coeur. Elles servent de phare à ma vie.
Aujourd'hui, je voudrais partager avec vous la plus profonde ce ces pensées, celle qui entre toutes guide mes pas sur les chemins accidentés de l'existence.

Je me souviens encore de ce moment précieux, quand il m'accorda l'illumination. Je n'étais alors qu'un petit enfant, et lui, encore un géant.
Il était assis sur son lit, et me fit signe de m'approcher. Sans un mot, j'ai obéi. Il m'a pris par les épaules. Ses yeux bleus perçants ont cherché les miens, et les ont happés.
Un instant, il n'a rien dit, ses yeux dans les miens.
Puis il a ouvert la bouche. « Fils », m'a-t-il dit. « Fils, il ne faut jamais dire fontaine. »
Il m'a fixé jusqu'à ce que je hoche la tête. Alors, il a relâché mes épaules, et dit : « Va, maintenant ».

Et depuis, je vais. Et jamais ses paroles ne me quitteront.

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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 23:42

Camarade lecteur,

c'est avec un peu de honte que je transcris aujourd'hui cette note de blog, rédigée il y a quelques jours alors que j'étais vautré dans le plus abominable confort petit-bourgeois.

En effet, suite au lobbying intense de mon papa et de ma tante, que je ne soupçonnais pourtant pas de nourrir ainsi des envies décadentes, je me vis forcé de rédiger cette missive au quatrième ou cinquième pont d'un bateau de croisière, à l'une des tables du bar. J'espérais ainsi ressembler un peu à Hemingway, un peu plus du moins que les deux autres occupants du bar, à qui je lançais des regards courroucés, d'autant plus que ces salauds avaient les moyens de se payer des caïpirinhas, eux. En plus, l'un d'eux était canadien, pour l'amour du ciel. Enfin, supporter la promiscuité des wannabe Ernest, c'est le prix à payer quand on a décidé de décader, j'imagine. Et là, on a décadé bien bien.

 

Tout avait pourtant commencé de manière quasiment prolétaire, par une réduction de 30% sur le tarif de pleine saison, et un trajet sportif en minibus sur la route défoncée qui mène à Podor (quelque part sur le fleuve Sénégal, à quatre heures de Saint-Louis), coincés entre nos compagnons de voyage.

 

J'ouvre ici une parenthèse pédagogique, afin de tordre le cou à un préjugé sans doute tenace, que j'ai moi-même nourri de mon temps : non, les passagers des croisières ne sont pas forcément tous de vieux croulants, il y en avait un de moins de trente ans, au port altier, aux pieds sales, et à la barbe dissipée.

 

Donc, disais-je, ça a commencé populo, puis, à notre arrivée, nous attendait ça :

 

africanqueen.jpg

 

Ha non, pardon, c'était ça :

 

bouelmogdad2.jpg

 

Ha quand même, je veux dire, hein. Quand je vous disais qu'on décadait.

Afin de se mettre dans l'ambiance dictée par l'environnement, ma tante décidait sur le champ (enfin, à la fin du repas, pendant le speech du commissaire de bord) d'avoir ses vapeurs, malgré son manque d'équipement en corset (autrement dit : elle a tourné de l'oeil raide sur sa chaise). Ce charmant et aristocratique intermède (ponctuée de deux ou trois dégueulis sur le pont briqué de frais) nous permit de nous faire offrir une cabine climatisée supplémentaire, sans frais, ainsi que les attentions de la charmante masseuse du bord, et de la non moins charmante stagiaire (?).

 

Puis le lendemain, nous décollâmes pour trois jours de glande intégrale.

 

Une croisière sur le fleuve Sénégal se déroule, selon notre expérience, ainsi : on a la Mauritanie à tribord, le Sénégal à bâbord, à l'arrière, un moteur fait teuf-teuf et crache un filet de fumée par une grosse cheminée rouge. Avachi sur le pont supérieur avant (ou au bar, ou dans la piscine, quand il commence à faire trop chaud), on passe devant des villages, sur une berge ou l'autre.

Des mômes nous font coucou en hurlant, on leur renvoie leur coucous avec calme et dignité, en secouant la main comme la reine d'Angleterre. On a un peu l'impression d'être dans un zoo, sans trop savoir de quel côté des barreaux on se trouve. Ce qui est sûr, c'est qu'on se dépense plus que les bergistes : eux ne font coucou que quand on passe, mais nous, on passe tout le temps. On passe notre temps à passer. Et voir des gens me faire coucou en tapant sur des casseroles me donne l'impression d'être obligé de les prendre tous en photos, eux et leurs zébus. Et leurs bosquets d'arbres, pour le côté mauritanien, par compassion. La végétation a l'air d'avoir bien assimilé que la Mauritanie, c'est le DÉSERT, et que dans le désert, il ne FAUT PAS pousser, même si à 200 mètres en face, ça foisonne comme des cochons et ça a des mangues qui dégoulinent de partout.

 

Donc, côté mauritanien, ça donne ça :

 

croisiere1.jpg

 

Et côté sénégalais, ça :

 

croisiere2.jpg

 

A part regarder et faire coucou, quand le bateau bouge, on a plusieurs options : prendre le soleil, se tremper dans la piscine, boire des Blue Lagoons servis par un barman avec moustache et afro (à qui on ramènera nous-mêmes nos verres vides, dans ce qui restera la seule concession aux idéaux crypto-communistes de notre jeunesse), se faire masser, jouer au Scrabble.

 

Mais le bateau ne fait pas que bouger, et heureusement : le trajet n'est pas super long, et il faut bien mettre la semaine à le faire, du coup, des fois, on s'arrête pour faire des pauses culturelles. Plusieurs thématiques sont proposées, dans notre croisière. Je recopie texto la brochure :

 

-Visitez des hôtels et faites-vous dévaliser par les vendeuses de colliers et de machins en bois !

(et faites des photos ironiques de vos compagnons flamands)

 

flamand.jpg

 

-Mangez un méchoui à la lueur des lampes-tempêtes !

-Mangez un tieboudienne sous les manguiers et faites-vous dévaliser par les vendeuses de colliers et de machins en bois !

-Visitez des villages peuls et jouez à « Brad et Angelina font leurs emplettes » ! Puis faites-vous dévaliser par les vendeuses de colliers et de machins en bois !

 

gamins.jpg

 

gamine1.jpg

 

gamine2.jpg

 

I'll take the little black one.

 

 

Un trait d'esprit de mauvais goût s'est glissé dans cet article, sauras-tu le repérer avant que ma maman ne me force à l'enlever ?

 

Au passage, on peut en profiter pour faire des études sociologiques : en particulier, j'ai pu constater que l'appareil photo suit la loi du 4x4, et avoir la fierté d'être moqué pour le ridicule de mon petit appareil numérique.

 

appareil.jpg

 

Mais non, cette photo ne sous-entend rien, voyons.

 

Au final, la décadence, c'est chouette. Le problème, c'est que quand on est un pauvre toubab, on en profite pas assez longtemps.

 

Seule petite déception : pas de soirée bingo, pas d'André Rieu, pas de meurtre commis dans la touffeur de la nuit tropicale.

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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 09:42

Aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, je fais fi des promesses que je m'étais faites de ne jamais suivre l'actualité sur ce blog, et de ne surtout pas parler people, parce que bon, quand même quoi, c'est le mariage de William et Kate, hiiiii.

 

Non, en fait, je me suis rendu compte après coup que cet article pouvait vaguement faire croire que l'actualité était au coeur de ce blog, et que ce serait trop bête de rater l'occasion, alors hop, hein. Putasserie, quand tu nous tiens, ho oui, tiens-la bien.

 

Voilà donc, pour vous, aujourd'hui, ce récit d'une révélation. Une illumination, presque. Mais pas tout à fait quand même.

 

Allons-y.

 

Aujourd'hui, j'ai eu une révélation.

J'ai compris d'où venait une chanson. C'est mignon.

 

Enfin, je crois. Je n'en ai absolument pas la moindre certitude, c'est ce qui fait la beauté de la chose. N'empêche qu'il y a quand même des trucs qui semblent pointer vers une possible compréhension d'un foutage de gueule que jusqu'ici, je n'avais pas compris, et j'aime bien comprendre les blagues.

 

Aujourd'hui, donc, je farfouillais sur internet, et je tombai sur la première chanson cachée de l'histoire du rock (c'est en gras sur wikipedia) : Her Majesty, à la fin d'un disque de 1969 d'un groupe anglais qui s'appelle les Beatles (plus précisément, de Paul MacCartney).

 

La voici :

 

 

 

Pour ceux qui ont du mal avec les marmottages incompréhensibles de Paulo, voilà ce qu'il dit :

"Her Majesty's a pretty nice girl
Someday I'm going to make her mine, oh yeah,
Someday I'm going to make her mine."

Je ne vous traduirai pas, c'est sale.

 

Et là, bon sang de bois, je comprends enfin une chanson que nous passait mon papa (je vous ai déjà parlé des chansons que nous passait mon papa, quand j'étais petit, en voiture ?), d'un disque sorti en 1971. Ma maman n'aimait pas trop qu'on écoute ça, parce que derrière, on se voyait forcés de brailler « Pompiers, pompiers, j'ai des pompiers dans mon zizi » et ça la mettait affreusement mal à l'aise.

Mais sinon, dans ce disque, il y avait aussi cette chanson. Qui commence par les premiers pas (enfin, façon de parler) d'Arthur H dans le showbiz, mais c'est pas ça l'important. L'important, c'est que j'ai enfin compris d'où vient cette chanson, et surtout la toute fin, qui m'intriguait depuis que j'avais l'âge de comprendre les paroles, vu que ça me paraissait gratuit.

 

 

 

 

Me voilà tout content.

Merci internet !

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 21:18

Aujourd'hui, mes ami(e)s, je viens me confesser, parce que ça me pèse sur le coeur. Aujourd'hui, j'ai fait une entorse à mes principes, j'ai foulé aux pieds l'éducation de toute une vie.

 

J'ai acheté des légumes.

 

Toute ma vie, je me suis efforcé de suivre ce simple précepte, inculqué depuis longtemps par mes parents, des gens avec une éthique, une hygiène de vie, basée sur un principe simple : mange de la viande.

 

Pourquoi ? C'est simple. Les plantes sont un miracle de la nature, y toucher est sacrilège.

 

Prenez les fleurs. Les fleurs sont les produits de millions d'années de co-évolution, chaque génération plus attractive pour les insectes pollinisateurs, plus belle, plus odorante, plus colorée.

Une fois la pollinisation effectuée, la magie de la nature opère encore, transformant sous les yeux de l'observateur patient et attentif la fleur en fruit, cocon délicat pour les graines, la nouvelle génération, qui, une fois en terre, déplieront une à une leurs petites feuilles duveteuses, si fragiles, qui cependant sauront, par ce processus invisible qu'est la photosynthèse, capter l'énergie d'une étoile pour croître et se développer, qui en un arbre majestueux, qui en une fleur chatoyante, qui en un brin d'herbe frémissant dans une prairie de montagne.

Les racines sont tout aussi merveilleuses, qui des mois durant stockent l'énergie et la matière produite par les feuilles et la restitueront à la venue des beaux jours, permettant ainsi la résurrection printanière du couvert végétal de la planète Verte.

 

Comment peut-on songer à détruire ces ouvrages d'art délicat et raffinés, ces fragiles filles du soleil que sont les plantes ? (1)

 

Prenez en revanche un animal : il peut être mignon de prime abord, et encore, c'est pas gagné. Mettons que ce soit un petit animal mignon (et là, je tiens à dire que c'est l'évolution qui nous fait considérer un animal comme mignon, lisez Stephen Jay Gould. Rien à voir avec la stupeur respectueuse, le battement de coeur ineffable que provoque la vue d'une orchidée, une sensation pure, pas dûe à une vulgaire poussée hormonale). Enlevez lui la peau, il devient hideux. Ses entrailles sont puantes, obscènes, sa physiologie est basée sur la destruction, le massacre, de plantes innocentes ou d'autres animaux, dont il déchire la chair à grands coups de dents.

 

Les animaux sont répugnants. Les animaux sont la honte de la Nature.

C'est pourquoi je ne peux avoir aucun complexe à bouffer des animaux. Je ne ressens pas ce sentiment de perte, de destruction insensée, que peut provoquer la vue d'une ratatouille. Certes, c'est beau, une ratatouille. Mais bon sang, quel gâchis.

 

Chez moi, la ratatouille, ça n'a jamais été courgettes, tomates et aubergines, mais lapin, poulet et agneau. Une ratatouille, c'était des plants de maïs, des carottes, des prairies sauvées de la destruction par le broutage aveugle de ces animaux. C'était un acte militant.

 

Aujourd'hui, j'ai acheté des tomates, et des oignons, et des mandarines, et des mangues.

Pourquoi ? Parce que c'était pas cher, et que je dois bien manger malgré le loyer, internet, l'eau, l'électricité, et l'arrivée prochaine de mes parents.

J'ai honte de moi.

 

D'autant que mon éducation étant ancrée profondément en moi, il y a des chances que je laisse pourrir mes victimes au fond du frigo. Je ne sais pas si c'est du gâchis, ou le signe que je ne suis pas encore irrattrapable.

 

Aujourd'hui, je vous l'avoue, je me sens un peu perdu.

 

(1) Alors au passage, je connais des gens qui sont carnivores pour la raison exactement opposée, qui prétendent que les plantes sont dégoûtantes, parce que ce sont juste du pétrole en maturation, et qu'ils se voient mal bouffant du pétrole. Ils me font un peu pitié avec leur argumentation à deux balles.

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 23:22

Le corps scientifique a rarement été plus ignoré qu’à notre époque, j'ai l'impression. On fait des recherches, on étudie des trucs importants et tout, avec plein de cobayes, des fois même des tubes à essai et des blouses blanches, mais quand on sort une nouvelle importante avec des conséquences pour la santé de tous, l’Etat fait genre j’ai rien entendu, et balance des missiles en Libye pour faire oublier qu’il nous condamne tous un peu plus.

Bon, j’en vois parmi vous qui ne voient pas où je veux en venir.

C’est très simple : les scientifiques ont, après de nombreuses études, conclu aux bienfaits du sexe.

Car certes, à première vue, toutes ces acrobaties, cette énergie gâchée à transpirer de la sueur et des mucus génitaux, tout ça pour obtenir dans le meilleur des cas un grand frisson et dans le pire un bébé ou d’autres maladies, ça fait pas envie. Enfin, si, mais on sait bien que généralement, ce qui fait envie, c’est pas forcément bon pour nous, par exemple, les bonbons, ça donne des caries, l’alcool, ça fait vomir et retrouver des gens moches dans son lit le matin, et tout. Pourquoi le sexe ne serait pas dans le même lot ?

Puis il faut se souvenir que les chinois, les empereurs en particulier, se servaient du sexe comme d’un moyen d’obtenir l’immortalité. Et on sait que la médecine chinoise, c’est pas souvent qu’elle marche, par exemple, la bite de tigre n’est pas aphrodisiaque , en fait (sauf pour les tigres femelles, et uniquement attachée à un tigre mâle).

Mais là, pour une fois, ils avaient raison, les chinois : le sexe permet de vivre plus longtemps, c’est la science, la vraie, la Science quoi, qui le dit. On peut le lire dans une publication à gros Impact Factor (le Parisien) : la pratique régulière de l’acte sexuel « freine l’apparition de nombreuses maladies, comme le cancer ou les maladies cardio-vasculaires ». Du coup, moins malade, on meurt plus vieux, qu’on soit homme ou femme, d’ailleurs. Chez les porteurs de pénis, la dépravation la plus abominable permet de diviser par trois le risque de choper un cancer de la prostate. Et on ne compte plus le nombre d’hommes morts de la honte de se faire insérer des doigts dans le fondement par un médecin pervers prétendant détecter cette maladie. Messieurs, faites comme pour vos voitures, vidangez-vous régulièrement la tuyauterie, elle vous dira merci !

Chez la femme, la libération d’ocytocine lors des rapports sexuels « a un effet protecteur contre le cancer du sein ». C’est bien aussi, ça.

Au final, pratiquer le coït trois fois par semaine permettrait de gagner dix ans de vie. C’est Scien-ti-fique.

Et qu’apprend-on dans la même semaine ?

Le gouvernement veut criminaliser les clients de prostituées. Ha bé bravo.

On a les moyens de faire vivre les gens plus longtemps et en meilleure santé, et on punit ceux qui veulent le faire. On contribue à creuser le trou de la Sécu, en préparant de plus en plus de gens à être malades, ou quoi ? Ca couterait pas beaucoup moins cher à la société de rembourser les putes, au contraire ?

 Ou alors, c'est un complot de la mouvance catholique du gouvernement contre les célibataires, qui ont plus les moyens et les raisons d'aller aux putes que la plupart des hommes maqués. On sait bien que les célibataires sont mal vus par les intégristes. Ca m'étonnerait qu'à moitié qu'ils cherchent à les éliminer.

D'autant qu'une vie plus courte, ça permet de faire taxer les héritages plus tôt, aussi, et pour les caisses de l'état qui sont toujours vides, c'est toujours ça de pris. Même s'ils disent vouloir limiter les taxes de succession, et que les célibataires ont moins de successeurs et auraient donc plus tendance à dilapider leurs sous qu'à épargner.





Dilapider, entre autres chez les putes ! Du coup, pas de putes, pas de dilapidage, plus de sous dans les caisses de l'état !

Bon sang. Le gouvernement tient une politique presque cohérente, pour une fois.

 

Sources : http://www.leparisien.fr/societe/faire-l-amour-augmente-notre-esperance-de-vie-14-03-2011-1357455.php

Puis je sais plus quoi pour le truc des putes.

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9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 20:42

NB : bon, c'est un truc commencé en septembre 2009, parce qu'un copain m'avait parlé d'un concours sur le thème du vampire. J'avais jamais réussi à le finir, mais comme ça fait un moment que je vous mets rien, je vous inflige ça, avec mes excuses. C'est fou comme ça avait l'air mieux écrit à trois heures du mat' y'a deux ans. Mais il faut voir ça comme un exercice de style.

 

*******************

 

C'est le dix-sept avril 1384, quelque part dans la nuit, que prit fin ma vie, et que mon existence commença. Je n'étais jusque là qu'un pouilleux de paysan, grattant les trois arpents de terre familiaux pour en faire sortir trois féveroles, dont une irait à notre poulet, une rejoindrait un demi navet et un bout de chair de lapin au fond de la marmite qui pendait dans la cheminée de notre masure, et la dernière à notre seigneur et maître, que Dieu l'protège.

Dieu. Ha !

 

C'était bien le diable qui le protégeait, not' bon seigneur, oui-da, et je l'appris de la plus douce des manières : par l'invitation de sa fille à partager sa couche. Elle s'appelait Mirela, était grande et mince, ses longs cheveux noirs lui tombaient jusqu'aux reins, sa peau était pâle comme les premières neiges d'octobre sur les monts de nos Carpates bien-aimées. Je ne l'avais jamais vue, bien sûr, elle n'allait pas courir les champs et les forêts quand on y travaillait, puisqu'elle était, comme son père, un vampire.

 

Nous nous en doutions, au village. On n'en parlait pas à voix haute, mais pourquoi ne sortaient-ils jamais de jour si ce n'étaient des vampires ? Pourquoi cette interdiction de chasser les chauve-souris ? Qui aurait seulement craint qu'un tas de bouseux, même affamés, puissent se rabattre sur des bestioles faméliques et répugnantes, au goût de moustiques, si ce n'est des vampires ? Pourquoi cette décoration de mauvais goût à l'entrée du château, cette entrée en forme de gueule ouverte, ces gargouilles tordues sur les gouttières, si ce n'étaient des vampires ?

 

On avait beau être des bouseux ignorants, on n'était pas complètement crétins pour autant.

Mais avoir des vampires pour seigneurs n'avait pas que des mauvais côtés : au moins, les voisins y regardaient à deux fois avant de tenter de vous envoyer leurs fantassins en guenilles vous piétiner vos féveroles, violer vos gamines et brûler vos chaumières, et rien que pour ça, ça valait le coup de fermer les yeux sur la disparition de quelques donzelles éthérées, gamins braillards ou maris violents. Les familles étaient habituées, on faisait un ou deux mômes de plus que ce qu'on pouvait nourrir, et on évitait d'envoyer la plus costaude des femelles chercher de l'eau au puits après vêpres. Heureusement pour nous, les vampires préféraient les gamines au teint pâle infoutues de porter un porcelet sous chaque bras, en gros les moins utiles au travail de la ferme. Alors on fermait les yeux quand elles disparaissaient, et on disait aux plus jeunes des marmots qu'elles étaient parties avec un beau prince faire fortune ailleurs.

 

Ce qui n'était pas complètement faux, notre seigneur avait de l'allure.

Mais j'anticipe.

Un soir, donc, alors que je me pressais de rentrer de la forêt, la hache sur la hanche et un fagot de bois sur l'épaule, cette fille m'aborda. Elle ne ressemblait en rien aux autres femmes du coin, qui avaient le cheveu rêche, la peau rougeaude, les mains calleuses et les ongles sales. Elle était... comme dans un rêve, si vous êtes du genre à rêver de fille grandes et minces, les cheveux noirs comme des ailes de corbeau qui tombent jusqu'aux reins, et moulée dans une robe dont le col n'en finit pas de descendre entre les globes blancs laiteux de mamelles qui tiennent toutes seules en l'air. Une trique de mulet envahit instantanément mes chausses, sans grande discrétion, et je fis basculer mon fagot sur mon ventre, tout en sentant le sang faire bouillir mes oreilles.

 

-Que... Qu'est-ce que je... vous... vous vous êtes...heuuu... perdue ? Réussis-je à bredouiller, ma langue me semblant de la taille d'une carpe dans ma bouche soudain sèche.

-Tu me plais, petit. Ca fait longtemps que j'ai l'oeil sur toi. Je sais que tu portes de... grandes choses en toi », répondit-elle, jetant un regard sur mon fagot.

 

La suite est d'une clarté étrange dans ma mémoire. Je me souviens de chaque pierre du chemin sur lequel elle m'entraîna, en direction du château que je n'avais jamais approché, je me souviens du grain de la porte de chêne de sa chambre, du moelleux incomparable de son lit, de la fraîcheur saisissante de sa peau, et, bien évidemment, du perçant acéré de ses canines.

 

Il faut croire que les dernières images de notre vie sont les plus marquantes. Je m'estime heureux que ce soit celles-là, j'aurais pu, avec moins de chance, avoir pour dernière vision le visage éploré d'une vieille femme sans dents, à l'haleine de bouc, qui aurait été ma femme pendant trente ans de misère.

 

Lorsque je me réveillai aux côtés de Mirela, il faisait encore nuit, mais ma vision était parfaite. Je distinguais sans avoir même à plisser les yeux les motifs brodés sur la tapisserie accrochée au fond de la chambre, à un jet de pierre de là. Mon odorat était également bien supérieur à ce qu'il avait été précédemment, ainsi que mon ouïe, me permettant d'entendre une araignée tisser son fil au coin du plafond.

Mais la plus étrange et la plus agréable des sensations fut celle de ce voile qui avait été levé de mon esprit, ou, plus exactement, la sensation que la mélasse dans laquelle se débattaient mes pensées avait fondu, les laissant libres de s'ébattre, sans s'encombrer au passage de ce paquet d'émotions et d'interdits inconscients dont, mortel, je ne réalisais pas le poids.

 

L'irruption de l'intelligence dans votre existence, quand on n'a connu jusque là que la gentille balourdise qui permet de faire sa vie dans un trou dominé par des créatures prédatrices et sans pitié, ça fait un petit choc, pas foncièrement désagréable une fois qu'on réalise qu'on est enfin du bon côté des canines.

Puis survient la première question :

 

-Pourquoi moi ? Pourquoi ne pas m'avoir tué, comme les autres ?

Mirela me regarda de ses yeux sombres.

-Bof. L'ennui. Tu es plutôt bien doté par la nature. Ça fait passer le temps, dans cette cambrousse.

 

Puis, après un temps de réflexion :

« Et t'éduquer m'amusera. Avoir quelqu'un à qui parler, aussi. Avec Père, on a épuisé les sujets de conversation depuis un moment.

-Tiens, c'est vrai, maintenant que j'y pense, on a jamais vu de cérémonie de passation de pouvoir au château, ou quoi que ce soit. Vous régnez ici depuis combien de temps ?

-Sept, huit générations humaines.

-Ha oui, quand même. Ca explique qu'on ait été habitués. Enfin », repris-je, « qu'ils aient été habitués ». Je ne faisais plus partie du village, et ça ne me posait pas de problème.

« Et aucun souci avec la populace, en tout ce temps ?

-Au début, il y en a bien eu pour tenter de planter de l'ail en douce sous les haricots, mais Père y a vite mis le holà. Et les rares qui ont tenté de nous abattre au pieu ou à l'arbalète se sont vite rendus compte de la difficulté à toucher une chauve-souris en vol. C'est souvent la dernière chose qu'ils ont apprise.

-Ha, parce qu'on peut être tué par un carreau d'arbalète ou un pieu ?

-En plein coeur, oui. Et il faut éviter la lumière du jour si tu ne tiens pas à être ramassé à la balayette par Igor... »

 

Ainsi commença mon éducation à l'existence de vampire. Notre conversation dura jusqu'au petit matin, où nous rejoignîmes la crypte de ma nouvelle famille, agréablement sombre et exhalant une odeur de champignons. J'y fus accueilli, un peu froidement, par mon beau-père (j'imagine que j'ai le droit de l'appeler ainsi), et m'installai dans un cercueil de sapin doublé de velours rouge, pour la première de ce qui seraient d'innombrables et semblables journées, suivies de nuits tout aussi semblables.

 

C'est l'inconvénient de l'immortalité, la monotonie. Mais avec la vie que j'avais eue, j'étais habitué.

Pendant plusieurs dizaines d'années, nous passâmes nos nuits à écumer tranquillement le voisinage, sélectionnant les proies qui nous étaient offertes par un peuple que la certitude d'y passer un jour rendait un peu amorphes : étrangers égarés, pucelles falotes, chasseurs de vampires imprudents dans leur quête de gloire, cueilleurs de champignons nocturnes, on se servait comme on pouvait. Et si les villageois constatèrent qu'un peu plus de monde y passait depuis ma disparition, ils n'eurent pas de réaction. Avais-je pu être aussi mou ? Sans doute.

 

Puis on s'ennuya. Je me lassai de Mirela, elle se lassa de moi. Du coup, nous prîmes chacun un nouveau compagnon, et brusquement, le village se fit trop petit pour nous nourrir sans dépérir. Ne pouvoir se sustenter que de sang humain, c'est un problème. Un de nos seuls problèmes, certes, mais un gros. S'étouffer au goût du sang de cerf qui abondait dans la région, et n'avoir de toute façon de soif que pour la jugulaire humaine, c'est quelque part frustrant.

 

Je décidai donc d'émigrer à Paris avec Rosa, une ancienne fille de ferme aux yeux noirs, à la fesse ronde et à l'esprit vif. Nous étions en 1745, et, à 350 ans passés, j'allais pour la première fois quitter ma vallée molvaque. Les regrets ne m'étouffèrent pas.

 

Nous voyageâmes de nuit, sous forme ailée, passant les journées dans des grottes humides, et cueillant quelques voyageurs nocturnes rarement appétissants. Puis, une fois arrivés à Paris, nous prîmes rapidement contact avec la population vampire locale, fort accueillante étant donné le peu de risques d'être en concurrence pour la pitance, mais beaucoup plus chatouilleuse quant à la discrétion que nous ne l'étions au pays. Les humains étaient plus nombreux, donc moins sensibles à nos prélèvements quotidiens, mais également plus dangereux. Entre une foule en colère armée de fourches et de torches, et une armée disciplinée, les risques pour nous n'étaient pas les mêmes. Nous dûmes donc adopter un profil bas, vivant dans les catacombes, les carrières et les caves parisiennes, beaucoup plus agréables que ce qu'on aurait pu penser.

 

La vie parisienne était d'ailleurs en tous points incomparable à ce que nous avions post-vécu : les esprits frémissaient de partout, la nuit bourdonnait de conversations, bref, les humains, pour la première fois, nous fournissaient une certaine stimulation intellectuelle.

La sensation était inconnue, et jouissive. Nous infiltrâmes petit à petit les salons à la mode, nous abreuvant d'idées nouvelles, et sélectionnant les humains les plus vifs pour en faire des nôtres. Je ne sais pas ce qui nous poussait, un certain rejet du gâchis sans doute, plus qu'une volonté de récompense. Quand on a vécu des siècles entouré de bouseux, une fois qu'on a trouvé une personne non seulement dotée de conversation, mais aussi d'idées, on répugne à envisager de laisser cette source de potentielle excitation cérébrale partir à la fosse commune.

Cela eut un effet pervers : parmi les nouveaux vampires, quelques-uns s'empressèrent de transformer leurs camarades de salon, qui eux-mêmes transformèrent d'autres de leurs connaissances.

 

Notre nombre grandit, donc. Notre pouvoir aussi. Rassemblez dans une capitale les esprits les plus brillants, ils vont forcément se manifester.

Nous nous manifestâmes. De manière plus abrupte que nous ne l'aurions voulu, d'ailleurs, mais, comme je viens de le dire, notre nombre grandissait, et il devenait de plus en plus compliqué de trouver des proies sans se faire remarquer, et on en était à se partager un humain à trois tous les deux jours.

Du coup, nous prîmes la seule mesure qui s'imposait à nos esprits affamés : plonger Paris dans un profond chaos. Ce fut la Révolution Française, qui prit une ampleur qui je l'avoue, nous dépassa un peu. Cependant, l'essentiel était assuré : les humains eux-mêmes venaient nous apporter des leurs en pâture. Nous tenions les tribunaux, il était donc aisé d'accéder aux condamnés, dont personne n'osait se soucier trop du sort.

La Terreur s'amplifia, s'étendit à tout le pays, puis à l'Europe. Nous voyageâmes avec elle, Rosa, moi, et de nombreux autres parmi les plus anciens, pour les mêmes raisons que nous avions quitté les Carpates : trouver un peu de nouveauté, tout en n'ayant pas à se rationner. On en revient toujours à ça.

 

Le pouvoir, nous avions connu pendant des décennies, voire des siècles. Nous en en étions lassés, comme de tout. Paris avait apporté ses facilités de chasse et son bouillonnement qui nous avaient plus qu'agréablement distraits, mais nous nous commencions un peu à nous marcher les uns sur les autres, nous avions donc laissé le pouvoir aux plus jeunes que ça intéressait encore, et avions repris la route des guerres européennes pour voir du nouveau et continuer à prélever notre dîme de soldats sans se faire remarquer. Rien de plus facile que d'attraper un dragon imbibé d'alcool s'éloignant de son camp pour vider sa vessie lourde de litres de piquette, puis de le faire inscrire sur la liste des déserteurs.

 

Mais intellectuellement, là encore, la stimulation n'était pas vraiment au rendez-vous. On se planque dans une tranchée, on attend qu'un pécore se pointe, on lui met le grappin dessus, et hop. La décharge d'adrénaline est limitée. Nous nous sommes donc lancé de nouveaux défis.

 

Certains de mes congénères sont devenus traders, afin de sucer aussi bien l'argent que le sang des humains. C'est qu'avec l'âge, comme ils disaient, on apprécie mieux le confort qu'apporte un bon gros tas de pognon.

 

Un bon nombre s'est lancé dans la médecine, puis, quand c'est devenu la mode, l'humanitaire. Après tout, quoi de plus normal que des morts dans les hôpitaux ou les camps de réfugiés ? Personne ne va chercher à l'expliquer.

 

Pour certains, Hollywood fut un refuge de choix. Ce fut notre cas, à Rosa et moi, et tant d'autres.

Nous nous étalions à la une des magazines humains qui ne voulaient pas nous reconnaître, malgré l'évidence : qui d'autre que des vampires ne sortirait jamais à la lumière du jour sans chausser de lunettes noires ? Et comment pouvaient-ils croire que les stars qu'ils adulaient, aux seins toujours fermes et à la jeunesse perpétuelle étaient de leur espèce ?

 

Pourquoi ne cherchaient-ils jamais à s'expliquer leur disparition au faîte de leur gloire, pour ne jamais réapparaître ? Pourquoi ne se sont-ils jamais demandé où passaient les jeunes garçons et jeunes filles en quête de gloire qui arrivaient par bus entiers, des étoiles dans les yeux, et qu'on ne voyait plus après leur premier casting ?

 

Cet aveuglement des humains m'a toujours fasciné.

 

Mais cette période dorée ne pouvait pas durer.

 

Nous avons fait des erreurs. Nous avons lâché la bride. Les humains ont commencé à moins se reproduire, et nous, dans notre tour d'ivoire, n'en avions cure. Nous autres, en revanche, étions de plus en plus nombreux. Ne pas se faire repérer est devenu de plus en plus compliqué.

Nous avons tenté de nouvelles techniques d'approvisionnement, lançant les premières banques du sang et jouant sur la culpabilité des humains pour nous fournir régulièrement.

Ça n'a pas suffi. Ça ne pouvait pas suffire. Nous étions déjà trop.

 

Puis, un jour, un être incongru est apparu, un être qui nous a tous condamné : un vampire crétin. Son raisonnement, nous-a-t-il appris avant qu'on le mette en pièces (la justice vampire est parfois expéditive), était le suivant : il ne faut pas que les humains nous découvrent, sans quoi ils sortiraient les pieux, les machins, et toute la technologie qu'ils ont acquise grâce à notre laxisme, et nous dégommeraient. Cependant, il faut bien se nourrir. Mais si on tue trop de monde, on se fait repérer. La solution idéale, avait-il compris dans un éclair d'idiotie, était de ne pas tuer d'humains en s'en nourrissant, et d'en faire des vampires. Les nouveaux vampires seraient de notre côté. Ils ne nous poseraient pas de problème.

Avant que nous ayons pu nous rendre compte de quoi que ce soit, ce crétin avait agi. Il avait converti à lui seul des milliers d'humains aux USA, en l'espace de deux ans. Et les avait également briefés sur ce qu'il convenait de faire pour ne pas mettre notre existence en péril.

 

Ha. Ha.

J'en rirais presque, si j'en avais la force.

 

En l'espace de quelques années, la population humaine aux USA avait disparu.

Quelques années de plus, et les vampires américains, s'étant exilé aux quatre coins du monde, avaient à peu près fait disparaître l'espèce humaine des villes et des campagnes. Ha ça, plus de risques qu'ils nous découvrent. Il restait ) peine quelques poches de survivants éparpillées dans des forêts.

 

Aujourd'hui, on crève de faim.

On ne peut pas se nourrir du sang d'animaux. (Et c'est bien dommage, parce qu'aujourd'hui, il y en a partout, on peut pas faire trois pas en ville sans tomber sur une laie et sa ribambelle de marcassins). Certains d'entre nous ont tenté le cannibalisme, ça ne marche pas. (et s'attaquer à un vampire, même quand on en est un soi-même, même quand on est poussé par la faim, ce n'est jamais une partie de plaisir). On a tenté des élevages d'humains, mais on n'avait pas assez de stock au départ, on a pu obtenir quelques centaines par-ci, par là, mais le stress, c'est mauvais pour la fécondité, et avec le nombre misérables de géniteurs qu'on avait, la consanguinité a mis fin à l'expérience en quelques générations.

 

On crève. Ho, on est toujours immortels, hein ! Mais quand on n'a plus de quoi se nourrir, on a beau ne pas caner proprement, si on n'a plus la force de se déplacer, on aimerait autant. Certains, comme moi, tiennent mieux le coup que d'autres, mais pourquoi, je n'en ai aucune idée.

 

Cette nuit, j'ai mis fin aux gémissements insupportables de Rosa. Avec un marteau, que j'ai eu du mal à soulever.

 

Demain, j'irai en forêt de Fontainebleau. Il y a là un petit troupeau d'humains. J'ai réussi deux ou trois fois à attraper un petit, laissé seul pendant une chasse aux rennes. Mais ils sont de plus en plus coriaces, maintenant. Et ils n'ont aucun scrupule à utiliser tous les bâtons pointus qui traînent dans la forêt.

 

Peut-être reviendrai-je au petit matin. Je ne sais pas si je l'espère encore.

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 13:42

 

Peu d'enfants, sans doute, peuvent se targuer d'avoir connu enfance plus dorée que la mienne, élevé que je fus par des parents expatriés au soleil du Maghreb, couvé par une nounou marocaine plus qu'excellente cuisinière (c'est la meilleure du monde, surtout pour la pastilla et les Frosties), et accroché au plus doux des doudous, une serpillière reconvertie que ma soeur ne tenta que rarement de planquer, se contentant de me balancer des boules de pétanque sur le crâne et de lapider mon matelas à coups de couteaux.
Je passai mes vacances aux plus beaux endroits de la terre, la Lozère et la Bretagne, j'avais le droit d'accompagner mon père à la scierie dans notre 4L rugissante, je pouvais pêcher les crevettes et les petits poissons pendant des heures, me faire retirer les épines d'oursin et les bouts de pétrole de mes pieds pendant d'autres heures par ma maman, on avait un Atari ST avec Gobliiins dessus, et les cassettes des trois premiers Star Wars.

Que pouvais-je demander de plus ?

Il fallait bien une ombre au tableau.

Cette ombre, elle était dans l'autoradio, et passait en boucle sur les chemins lozériens, tandis que nous allions chasser la farouche girolle et le cèpe majestueux. Je crois qu'il n'y avait qu'elle sur la cassette. Et elle passait. Et elle repassait. Encore, et encore, et encore.

J'ai longtemps cru que mon père nous haïssait secrètement.

Mais récemment, j'ai compris. C'était en fait une tentative d'éducation morale, que je n'ai jamais saisie enfant.

Voici donc, retranscrite pour éclairer ceux qui n'auront pas eu le courage d'écouter toute la chanson, la discussion que j'ai eu avec mon fils Georges, en 2025, quand nous écoutions cette chanson en allant chercher des champignons en forêt de Saint-Flour. (malgré ses récriminations pour écouter le single de son crooner néo-grunge préféré récemment suicidé, Justin Bieber).

-Mais euh, ils violent les filles, là ? C'est pas bien !
-Ouaip.
-Elles les menacent si ils viennent à Pontoise mais ils y vont quand même ? Ils sont un peu bêtes !
-Ouaip. (je suis laconique au volant)
[...]
-Mais... mais ils vont les tuer ! C'est pas bien ce qu'ils ont fait, mais quand même !
-Ouaip.
-Ils vont appeler leur grand frère qui a des relations pour les aider ? Bé c'est du propre. On se croirait sous la Vème République.
-Ouaip.
[...]
-Ho purée, c'est gore, papa.
-Ouaip, fils.
-Le pigeon, là, je crois que j'ai pas saisi la métaphore. Il va au paradis ? Alors qu'il a violé et provoqué un génocide ?
-Il a été bête, aussi, fils. "Heureux les simples d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux", disait un type.
-Ouais, mais quand même. Et pour ses frères, rien ?
-Pour les filles non plus, note.
-J'ai pas compris la morale, papa.
-Moi non plus, fils. Moi non plus...

 


 

Edith : Je croyais que toute cette sombre histoire était derrière nous. Mais non, hier encore mon popa m'envoyait du Gabriel Yacoub par notre dropbox. Que t'ai-je fait, père ? Que dois-je faire pour être pardonné ?

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18 mars 2011 5 18 /03 /mars /2011 21:27

 

Bon, une nouvelle mission de finie, nomdedjeu. Hé bien, je suis claqué, mais ça fera du bien au porte-monnaie.

Puis pas que, parce que quand même, les missions sur le terrain, quand le terrain est la mangrove sénégalaise, c'est rien chouette, comme dirait plus personne.

Pourquoi c'est chouette ? Ben comme d'hab : déjà, on est au milieu des palétuviers, sans voir plus de trois péquins par jour, à part l'équipage, quand on bosse pas, on peut écouter Zazie dans le métro les pieds dans l'eau, ou prendre des photos pour se la péter, ou se la péter en chopant des Pseudotolithus elongatus à la ligne, et pas qu'un, en plus, mais pas loin d'une bonne demi-douzaine.

 

Puis y'a l'équipage, les histoires qu'on entend pour la quatrième fois en quatre missions, mais qui sont toujours marrantes (le coup du collègue qui rentre en France avec une valise de mangues, qui se rend compte arrivé chez lui qu'il s'est trompé de valise à l'aéroport, qui appelle et qui entend une dame soulagée dire « haaaa bé vous nous rassurez, on a un monsieur malien qui réclame qu'on lui paye un billet de retour, il dit qu'il a été marabouté et qu'on lui a transformé tous ses habits en mangues et qu'il doit rentrer se faire démarabouter », ou son récit de comment il s'est fait cracher dans l'oeil par un cobra qu'il essayait d'assommer (enfin, à côté de l'oeil), ou encore plein d'autres histoires entre la Côte d'Ivoire et le bois de Boulogne), les petits compliments du matin « nomdedjeu t'es un vrai breton, toi ! Comment tu fais pour être en ticheurte ? -Ben on est au Sénégal, quoi, il fait chaud... », les expressions dont on se dit qu'elles font classe et qu'il faudrait penser à les placer dans les prochaines conversations pour faire vrai mec (genre « toui de toui », que j'aime beaucoup), les constatations « ha, le soleil s'est couché, c'est l'heure de l'apéro », les exclamations de respect « ho putain, un pet de sept secondes, ça doit être un record, je comprends pas comment tu fais pour pas faire dans ton froc »...

 

Puis y'a la bouffe, parce que le barracuda fraîchement pêché version thiboudien c'est pas dégueulasse, faut dire.

 

Puis y'a le boulot : trier des bassines pleines de poissons gluants, voir apparaître sous un tas d'ethmaloses le rostre d'un Tylosurus crocodilus, ou les écailles colotées d'un tilapia, c'est chouette, un peu comme une chasse au trésor dans une bassine de poissons gluants. Expliquer au nouveau que c'est à LUI de compter les poissons quand y'en a des centaines, ou de prendre des notes quand vous êtes fatigué ou que c'est juste un gros tas de sardinelles et de Gerres, c'est bien aussi.

Puis regarder dans la bouche d'un Hemiramphus brasiliensis (je crois), par hasard, parce que j'aime bien regarder la bouche des poissons (c'est rigolo, quand on tire sur la mâchoire inférieure, on sait jamais à quoi ça va ressembler une bouche de poisson), et trouver que la langue a une drôle de tête, parce qu'elle a une tête, et disséquer la tête du poisson pour en extraire le parasite le plus classe du monde, c'est la classe.

 

Alors oui, c'est un parasite qui bouffe la langue du poisson et prend sa place dans la bouche du poisson. C'est tout bonnement génial la nature, on penserait jamais à inventer un truc aussi crade, pour tout dire, ça a illuminé ma journée et le reste de la mission.

 

 

parasite1.jpg

 

On voit pas bien ?

 

parasite2.jpg

C'est pas tellement mieux, ok.

http://img825.imageshack.us/img825/2050/parasite3.jpg

La classe, quand même.

 

 

Allez, on remet ça en mai.

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