C'est étonnant, mais il se trouve encore sur Terre, et même en France, des personnes qui considèrent que la Bande Dessinée fait partie de la sous-littérature. C'est d'autant plus flagrant sur
certains sites de vente en ligne, où on peut trouver une rubrique « humour-BD » au milieu des catégories de « livres », telles que « SF-fantasy-terreur »,
« Littérature sentimentale » ou « Cuisine et Vin », marquant un mépris souverain de ce qui est un moyen d'expression à part entière. En tous cas, plus entière que l'écriture, et
par-là même supérieur à l'écriture.
En effet, il faut être un artiste bien plus accompli pour raconter une histoire par le biais d'images et de texte que par le texte tout court. N'importe quel abruti est capable d'écrire, il est juste nécessaire de savoir parler, mais la narration par images est bien plus ardue.
Non seulement le texte doit (quand même) être peaufiné, mais le cadrage des images, leur succession sur la page, la taille des cases doivent être pensés, il faut déterminer la position des bulles pour que la lecture coule de source, les couleurs doivent créer immédiatement l'ambiance...
Le challenge de raconter une histoire est autrement plus relevé, non ?
Et en plus de savoir gérer toutes ces contraintes, il faut savoir dessiner. Et ça, c'est plus difficile que de savoir utiliser un secrétaire ou un logiciel de dictée, comme peuvent le faire les Auteurs (ha !) de littérature classique. Il faut un vrai talent, contrairement à un Marc Levy. Et du travail, aussi.
Alors j'en vois qui se gaussent, qui disent que si on est pas capable de faire passer des sentiments à son lecteur sans les lui mettre sous le nez, on n'est pas très doué, et que l'image tue l'imagination, et tous ces trucs qu'ils ont lu dans Télérama dans les années 90.
A ces gens-là, je veux répondre que de un, il faut se dire que l'imagination, elle passe quand même énormément par ce qui se passe entre les cases (l'espace inter-iconique, pour faire pédant), et de deux que se priver volontairement des sens dont la nature nous a dotés, c'est un peu se faire une gloire de se couper une couille (mettons un sein, pour ces demoiselles), sans compter que c'est irrespectueux vis-à-vis de l'intelligence du lecteur.
Voit-on des cuisiniers laisser de côté l'aspect de leur plat parce que « y'a que le goût qui compte » ? Hein ?
Non.
Et s'il y en avait, on s'en moquerait, parce que c'est ridicule. Ben en ce qui concerne la littérature classique, c'est pareil. Se contenter d'ingurgiter des mots qui s'enchaînent sans goûter les images, c'est comme boire pour se bourrer la gueule, sans se préoccuper de ce qu'on boit, que ce soit de la bière de mauvaise qualité ou du Château Pétrus 1955.
En bref, les écrivains sont des auteurs de BD ratés, voilà la vérité. Certains, comme JMG Le Clézio, récent Prix Nobel de littérature, ont l'honnêteté et l'objectivité de l'admettre, mais nombreux sont encore ceux qui se voilent la face et préfèrent prétendre que la BD est « inférieure ».
Par ailleurs, nombreuses sont les personnes qui admettent ne jamais lire de BD parce qu'ils « ne savent pas comment la lire ». Si, si, promis, j'en ai même vu sur parano.
Faut-il d'abord lire les bulles, regarder l'image ?
Que de graves questions que ces amateurs de livres sérieux se posent, sans savoir y répondre !
Alors que les mômes capables de le faire sans problème sont légion !
Et n'est-il pas infiniment plus difficile de s'adresser aux enfants dans un langage qu'ils peuvent comprendre qu'aux adultes ?
Ne vous laissez plus avoir.
La BD, ça demande plus de talent(s).
Les écrivains sont des ratés.
Voilà.
En plus, ils sont même pas foutus de dessiner des femmes à poil.
(cet article mal foutu est dédié à Mélanie, pour une rencontre aux Utopiales qui l'a inspiré)