En bref, je m’emmerde.
Je regarde même le foot à la télé, c’est pour dire.
Je traîne sur internet, en évitant soigneusement tout site pouvant proposer des offres d’emploi, j’envoie quelques messages en espérant vaguement des réponses, je fais trois lignes d’idéogrammes dans mon petit cahier à quarante centimes avec des grenouilles dessus, le plus vite possible pour retourner chauffer mes genoux à la flamme de mon ordinateur portable, et je soupire dans ma barbe en regrettant de n’avoir personne à qui dire « je m’ennuiiiie qu’est-ce que je peux faire, j’ai rien à faire », et en étant soulagé qu’il n’y ait personne pour répondre intelligemment.
Alors, dans mon vide social, je regarde pousser mes ongles, je secoue mes pellicules, je tâte ma dent de sagesse du coin de la langue (elle m’a percé la gencive y’a pas longtemps), j’observe les assiettes sales qui encombrent la table basse, et je pose mon ordinateur sur le canapé parce qu’il me brûle les cuisses.
Puis je retourne sur internet, je vérifie une nouvelle fois que personne ne m’a écrit, je constate que personne n’a réagi sur mes fora préférés, et je retourne aux occupations précédemment citées.
Quand soudain, l’illumination jaillit, par le truchement d’un message négligemment jeté par une connaissance paranoiaque : plutôt que faire des lignes de caractères tordus, pourquoi ne pas me remettre au tricot ? Ca fait plusieurs mois que j’ai laissé mon écharpe, et l’envie me reprend de l’achever, de saisir mes aiguilles et ma laine et de me refaire des crampes aux doigts, de créer, de faire quelque chose.
Je monte les escaliers quatre à quatre, je pousse la porte de ma chambre, je me dirige vers la cheminée sous laquelle j’avais laissé mon ouvrage.
Il n’est pas là.
Pas de panique, mes parents sont passés il y a deux mois, ils ont dormi là, et ma maman a rangé. Le tricot doit bien être quelque part, même s’il est pas dans ma chambre.
Je vais voir dans le cagibi, miracle : le carton est là, sous les manteaux, les chemises et autres fringues qui pendent dans une odeur indéfinissable.
J’attrape le sac plastique qui contient la laine, je redescends les escaliers quatre à quatre, je me jette sur le canapé, me love dans la couette qui y traîne, et je plonge la main dans l’écharpe roulée en boule que j’extrais avec bonheur et le sourire jusqu’aux oreilles : enfin quelque chose pour passer le temps utilement.
Il manque une aiguille.
Après moult recherches, elle reste introuvable.
Merde.